Le rappeur Oxmo Puccino publie ses tweets en recueil. Ou comment le microblog rejoint parfois les moralistes du XVIIIe et la poésie japonaise.
Aphorismes «Demander de l’amour, c’est le tuer d’un coup.» C’est un message que le rappeur français Oxmo Puccino a adressé aux 200 000 abonnés de son compte Twitter. L’artiste fait florès avec la contrainte des 140 caractères maximum imposée par le site de microblog. Ses followers, qu’il appelle ses «flowers», ont régulièrement droit à des aphorismes lumineux: «Gagner la guerre c’est devenir l’ennemi»; «La bonne personne est une poésie, on la prend par cœur». Voici qu’il publie en recueil ses «haïkus digitaux». Parce que le livre papier a un avantage que le numérique n’aura peut-être jamais: la «valeur affective». Ces phrases décochées, qui peuvent évoquer, dans la forme, des moralistes comme La Rochefoucauld, prennent une autre dimension une fois extraites du flux. Les bons mots d’Oxmo sont un joyeux gazouillis. Le rappeur tisse ses phrases comme des mèches, pour qu’elles «mettent le feu aux poudres» de l’imaginaire. Et pour que les mots guérissent, parfois. Il les pèse, alors que d’aucuns feraient mieux de tourner sept fois leurs tweets dans leur bouche. «Si les internautes prêtaient attention à ce qu’ils écrivent, ils soigneraient ce qu’ils pensent», commente l’auteur dans sa préface. Et encore: «Je crois que, sur Internet, tout le monde parle à l’oreille de tout le monde mais chuchote mal.» Pourtant, «jamais les mots n’ont été aussi importants». A côté des citations de Dard, Renard, ou JoeyStarr, parfois les messages tombent à plat («Le téléphone est une extension féminine»), et on se passerait des facilités de l’anglais. Mais, dans le tamis des jours, il y a des pépites: «Beaucoup me fatigue, un rien m’émerveille».
«140 piles», Au diable vauvert, 214 p.