La Neuchâteloise Amélie Plume vante les vertus du grand âgedans un court récit drôle, roboratif et doux.
Elle a choisi ce nom, Amélie Plume, dès ses débuts littéraires, Les aventures de Plumette et de son premier amant, en 1981. C’était aux Editions Zoé, déjà. Depuis, l’écrivaine s’est complètement approprié son nom de plume. En 2007, il a même remplacé, sur les papiers officiels, le nom de baptême, celui qu’elle préfère taire aujourd’hui. Amélie Plume se demandait comment exister, entre le nom du père et celui du mari. La place imposée lui semblait étriquée. Le plus simple était de choisir quelque chose de neuf.
A près de 70 ans, Amélie Plume continue d’explorer l’autofiction. Mais, en adoptant le filtre d’un personnage, en l’occurrence Lily, elle reste libre de parler des liens familiaux sans froisser sa propre famille. Et de rêver un nouveau modèle de vieillesse. Une vieillesse qui lui ressemble: libre, curieuse, gourmande. Dans ce domaine, en littérature, il reste tant à faire…
Le maximum vieillesse. Donc Lily n’est «plus dans le coup». C’est sa fille, Cécile, qui accuse. Son «insupportable fille chérie» Cécile, qui lui fait aussi des remarques sur son alimentation. La même qui guette chez elle les hypothétiques signes avant-coureurs d’alzheimer… Lily n’en a cure, s’obstine. Elle fait comme ça lui chante. D’ailleurs, elle se méfie de la modernité, refuse de prendre des photos numériques et préfère les polaroïds. Elle imagine son enterrement. Les lettres qu’elle pourrait écrire à ceux qui lui survivraient, les peaux de banane qu’elle laisserait sur leur chemin. Elle met au point une gymnastique mnémotechnique compliquée pour se souvenir de noms de fleurs en latin.
Lily, c’est la vieillesse heureuse, celle qui fait envie, avec l’élégance de la causticité et de l’humour.
Du temps pour vivre. Dans le salon de son appartement de Genève, Amélie Plume rayonne. «Le couple, c’est beaucoup mieux après 60 ans!» Son conjoint, Bernard, vit dans le sud de la France. Elle le rejoint quand cela leur sied. Elle dit «conjoint», même s’ils ne sont pas mariés. Dans le livre, il y a aussi un homme dans la vie de Lily. Il s’appelle Oscar, il est tout près, mais jamais le récit n’est centré sur lui. Oscar fait de la moto mais Lily ne l’accompagne pas en balade, parce que cela «lui brise les reins». Et que «le bonheur des uns n’est pas celui des autres».
Les jeunes, Amélie Plume les trouve plutôt «coincés» en amour. «Ils croient qu’ils ont besoin l’un de l’autre pour vivre en symbiose. C’est beaucoup mieux d’avoir 60 ans que 20!» Ses 20 ans, elle n’en voudrait plus, non merci. «A 20 ans, on est inexpérimenté. On se lance en amour et on se fait mal!»
D’un autre côté, les vieux, eux, se laissent trop souvent faire. «Les grands-mères sont sollicitées pour s’occuper de leurs petits-enfants, c’est parfois trop lourd! Moi, j’ai préféré dégager du temps pour ce que j’avais vraiment envie de vivre. Si vous voulez vous occuper de vos petits-enfants, il faut que cela relève de votre propre choix.» Son choix à elle, et celui de Lily, c’est de profiter du temps qui lui reste pour photographier les fleurs, faire des dessins, prendre des notes, se promener. Et se demander ce que c’est que d’être vieux. Pourquoi, alors qu’on prise «les vieux meubles, les vieux murs, les vieux arbres, les vieux singes, les vieux amis, les vieilles demeures, les vieux quartiers, les vieux films», etc., pourquoi diable est-ce qu’on conspue les vieilles gens?
Vivante, et femme. A la fin de ses études, en 1969, Amélie Plume voulait écrire. Mais elle n’avait étudié, à l’université, que des écrivains français morts. Des hommes, de surcroît. «Moi, j’étais jeune, vivante, j’étais une femme et j’étais Suisse…» Implicitement, elle n’avait pas le «droit» d’écrire. Il lui faudra quinze ans pour oser. Après la mort de sa mère, dont elle redoutait la critique. Une mère sévère, qui n’a pas connu la vieillesse (elle est décédée à 58 ans). Une mère souvent nostalgique, mais qui avait, paradoxalement, le sens de l’humour. Amélie avait les deux côtés en elle. C’est l’humour qui a gagné.
«Que ressent une fleur qui se fane, se demande Lily. Est-elle dans la nostalgie de sa splendeur ou à l’affût des saveurs nouvelles de son flétrissement?» Amélie Plume a choisi, elle, la deuxième option. Comme une perpétuelle floraison.
«Tu n’es plus dans le coup!» D'Amélie Plume. Zoé, 93 p.
L’auteure sera présente au Salon du livre les 1, 2 et 4 mai.
3 femmes, 3 nouveautés, 3 recueils de nouvelles
Le mascaret des jours.
De Claudine Houriet.
Ed. Luce Wilquin, 280 p.
La peintre et écrivaine jurassienne livre après son roman Une aïeule libertine un recueil d’une trentaine de nouvelles conviant autant de personnages dont elle perce l’âme et les secrets avec finesse et émotion. Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, filles, mères, routier, musicien, promeneuse ou chef d’entreprise, ils sont tous à un tournant de leur vie. Claudine Houriet, attentive, raconteuse d’histoires hors pair, est là pour recueillir ce qui bascule.
Au Salon du livre de Genève les 3 et 4 mai.
Le bain et la douche froide.
De Mélanie Richoz. Ed. Slatkine, 130 p.
Après deux romans courts, Tourterelle et Mue, la Fribourgeoise de 39 ans, ergothérapeute et passionnée de théâtre, livre un recueil de textes aussi courts que cinglants. Tout y est cruel: les familles, les collègues, la vie, le sexe. On s’en remet, parfois pas. Les conducteurs de train qui percutent les suicidaires ou les femmes au foyer quittées pleurent toute la journée. Le style nerveux et lapidaire de Mélanie Richoz envoie d’une pichenette aux orties les doux rêveurs.
Au Salon du livre le 3 mai.
Lettres au chat.
D’Antoinette Rychner. Ed. d'autre part, 78 p.
La petite Prune écrit des lettres à son chat Pépin, disparu. Lettres auxquelles répond sa mère, se faisant passer pour le félin. D’autres interlocuteurs s’en mêlent. On ne sait pas quoi penser de ce récit épistolaire troublant, tant des émotions se contredisent. Une violence sourd sous la douceur, et le manque tenaille au ventre comme un petit félin avec des dents et des griffes acérées.