Le succès du livre «La femme parfaite est une connasse!»,signé des sœurs Girard, est une arnaque, qu’on se le dise.
Avant que vous toutes, par l’odeur du succès alléchées, soyez devenues les malheureuses propriétaires du livre intitulé La femme parfaite est une connasse! qui caracole en tête des ventes en France comme en Suisse (bientôt 500 000 exemplaires vendus, traductions en 7 langues, 2e tome prévu en octobre, un film en préparation), il faut que vous le sachiez: ce livre est une arnaque.
Paru le jour de la Saint-Valentin 2013, signé de deux sœurs jumelles nées à Montpellier, Marie-Aldine Girard, journaliste, rédactrice en chef de l’émission de France 2 Ce soir ou jamais, et la comédienne Anne-Sophie Girard, ce petit livre de 160 pages apparemment inoffensives a pour ambition officielle de faire «déculpabiliser» la «femme imparfaite que nous sommes toutes», la «femme normale avec ses défauts, ses travers et ses névroses».
Règle No 1: «On arrêtera de montrer à notre coiffeur la photo d’une mannequin blonde aux cheveux bouclés alors qu’on est brune aux cheveux filasse.» Autant dire que si l’on fait cela, c’est qu’on le mérite personnellement, le qualificatif de «connasse»… Règle No 2: «On ne fera plus croire qu’on est enceinte, juste pour avoir une place assise dans le bus.» Deux ans d’âge mental? Trois?
Il est louable de vouloir enterrer Bridget Jones qui, il y a bientôt vingt ans, piochait dans la crème glacée en pleurant sur feu son prince charmant; il est généreux de vouloir donner des conseils en matière de fringues, de drague internet, de régime et de jalousies entre copines, mais il faut que quelqu’un leur dise: les sœurs Girard s’enfoncent dans les pires travers de ce qu’elles dénoncent. Comme une fille en total look Abercrombie ou Banana Republic qui se moquerait des bourgeoises en Chanel, une anorexique qui se gausserait des boulimiques ou un beauf qui assurerait qu’il n’est pas raciste tout en déplorant qu’il y ait trop de Noirs…
Clichés. Catalogue superficiel de slogans, de notes façon post-it et de listes de bonnes résolutions intenables, l’opuscule empile les clichés rabâchés des magazines féminins les plus complaisants. Sous un titre joyeusement déconneur et féministe se cache hélas un monceau de clichés qui véhiculent justement ce que les sœurs Girard prétendent contrer. «Au restaurant, refusez catégoriquement la carte des desserts, même si c’est “juste pour jeter un œil”.» Ah bon? C’est ainsi que l’on lutte contre l’obsession de la minceur qui perturbe nos ados?
La femme imparfaite-mais-tellement-sympa des sœurettes est jalouse de ses copines, toujours au régime, crânement superficielle, et préfère son chat aux hommes qu’elle n’arrive pas à garder. Inutile d’espérer arriver au bout de 160 pages si vous avez dépassé les 18 ans.
Et surtout: inutile d’espérer vous trouver du côté des rieuses si vous n’êtes pas ivre morte chaque week-end, si vous ne couchez pas le premier soir avec le premier mâle rencontré en boîte après vos cinq vodkas rituelles, si vous savez cuisiner autre chose qu’une boîte de thon dans le micro-onde, si vous ne racontez pas votre vie sur Facebook en maniant davantage le smiley que les lettres de l’alphabet, ou si votre quotidien n’est pas constitué d’une succession de psychodrames personnels nombrilistes – se rendre compte que le muguet que l’on vient d’acheter en ce 1er mai est en fait du vulgaire basilic, se couper la frange soi-même et pleurer en découvrant le résultat, se retrouver à récupérer la fin d’un gâteau au chocolat au fond de la poubelle.
Un jour, Anne-Sophie et Marie-Aldine ont décidé que toutes celles qui n’avaient pas ces défauts-là méritaient de ne jamais connaître les joies de la coolitude version Girard, et qu’il fallait se les payer. La femme est la meilleure ennemie de la femme.
«La femme parfaite est une connasse!». D’Anne-Sophie et Marie-Aldine Girard.
J’ai Lu, 160 p.