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Thierry Lang et les voix du vent

Jeudi, 12 Décembre, 2013 - 05:56

Le merveilleux pianiste romontoispublie l’excellent «Night Wind», porté par un quintet au casting formidable, où brillent Glenn Ferris et Matthieu Michel.

 

Il existe dans la musique de Thierry Lang des mélancolies paradoxales: la bonne humeur et le sens du partage de l’homme voisinent avec des mélodies bleu nuit. C’est encore le cas avec ce nouveau disque. Night Wind est plutôt construit tempo lent au moment d’exposer des thèmes magnifiques d’élégance, à la fausse simplicité. Mais, quelques secondes plus tard, ils s’ouvrent à leurs richesses harmoniques, servis par des solistes miraculeux. On peine à définir ce quintet fabuleux sans en détailler les solistes: Heiri Känzig, l’un des fondateurs du mythique Vienna Art Orchestra, est une contrebasse stupéfiante de grâce. Le batteur Kevin Chesham, le jeunot de la bande (il a 26 ans), préfère construire des climats en douceur plutôt que frapper les tambours.

Et, surtout, il y a deux souffleurs exceptionnels dans l’affaire. Le Californien Glenn Ferris (qui a croisé Quincy Jones, Michel Petrucciani ou Archie Shepp…) joue du trombone en apesanteur. Enfin, Matthieu Michel au bugle: le mariage du grain de son instrument avec celui de Ferris est une des réussites absolues de l’album. Lors des unissons, ils parviennent à créer une union des timbres belle comme la tendresse.

La manière Lang. Coté compositions, Thierry Lang impose sa manière. Exposition au piano, lenteurs calculées, sens de l’espace et des silences, sensualités du mode mineur. Mention spéciale aux Petits yeux pour l’infinie délicatesse, à The Cat pour la gaieté du swing presque fanfaronnant, ou à ce Sablier beau comme le temps qui amène au soleil de l’aube.

Il y a aussi dans le quintet de Lang une perfection dans les équilibres. Ce ne sont pas là cinq solistes rassemblés. Mais bien un groupe construit au service d’un leader. Car il n’existe rien de plus agaçant, en royaume jazz, que ces additions d’ego multipliant sur chaque partition les numéros d’individualistes.

Or, tout, dans Night Wind, sonne bel et bien comme du Thierry Lang. Un goût de l’artisanat s’additionne à celui de la liberté. La construction des titres participe du développement d’une idée; elle est creusée, peaufinée, menée à bout avec le goût de la belle ouvrage. Le piano esquisse, donne le ton, puis le groupe ajoute les couleurs et s’engouffre dans toutes les portes à explorer.

Au final, surtout, il y a Thierry Lang lui-même. Dans sa façon classique – classieuse – d’aborder le Steinway. Dans ce toucher à la pureté limpide et à la nuance unique parmi les pianistes suisses. Dans ces mélodies et arrangements qui racontent une histoire, posent un éclairage et s’y tiennent. Dans ce refus de la facilité consistant si souvent désormais à proposer une succession de titres destinés à plaire à chaque fois à un autre public. Night Wind prend sans hésiter le pari inverse: dire une vraie aventure commune, aux poésies faites de tendresses et de clairs-obscurs.

Il y a à l’arrivée dans ce disque une pureté de neige fraîche, la candeur heureuse et douce du son feutré des pas dans cette neige, l’hiver et la promesse de se réchauffer. Et puis monte alors ce vent qui, la nuit, semble effacer les traces: mais Night Wind les laisse dans les cœurs.

 

«Night Wind», Thierry Lang Quintet, 1 CD, Emarcy/Universal.
Concert à Lausanne, Chorus, 14 décembre.

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Claude Dussez
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