Cinquième album du musicien français,«Les amants parallèles» raconte en treize chansons l’histoire d’un couple. Au-delà du concept, un grand disque.
Un homme, une femme, une rencontre, des souvenirs tenaces, des émotions fugaces, une séparation. Dans son cinquième album, Les amants parallèles, Vincent Delerm raconte une histoire d’amour qui finit mal, et qu’il évoque à l’aide d’instantanés, comme autant de petites vignettes qui content par la bande une grande histoire.
Un premier regard échangé dans un avion, la cohabitation dans un minuscule studio, un réveillon, une grossesse, la vie d’avant les gardes partagées… C’est sous le signe de la mélancolie que le musicien a choisi de placer ses amants parallèles. Les chansons défilent, on croirait voir un film, sorte de travelling accéléré sur un bout de vie comme il y en a tant. Delerm ne donne volontairement pas de noms à ses héros ordinaires, il y a dans ce couple un peu de lui, de vous, de nous. D’un morceau à l’autre, il y a surtout cette même sensibilité à fleur de peau, ces mots justes qui disent l’amour et le quotidien, ces subtiles évocations de l’Amérique de Joe Montana et du Manchester des Smiths. Quatre décennies après les insurpassables Histoire de Melody Nelson (1971) et L’homme à tête de chou (1976) de Gainsbourg, Delerm réussit un album concept d’une rare élégance. Un disque que l’on qualifierait volontiers de Nouvelle Vague, tant il rappelle par instants le Truffaut de la saga Antoine Doinel.
Trois pianos. Avec son look d’éternel étudiant, d’intello rive gauche, Delerm a dès ses débuts divisé. Mais alors qu’on le pensait enfermé ad vitam æternam dans ses petites ritournelles piano-voix, il a brillamment su assouvir ses fantasmes pop. Sur Les piqûres d’araignée (2006) puis Quinze chansons (2008), il s’est offert de sublimes envolées, des arrangements tout en cuivres et en cordes. Pour Les amants parallèles, il s’est imposé une contrainte inédite: l’album a entièrement été réalisé à l’aide de trois pianos, dont un piano préparé comme les affectionnait John Cage. Soit un instrument dont on tire diverses sonorités en plaçant des objets sur ses cordes. Mais finalement, tout cela importe peu. Cette démarche artistique est vite reléguée au second plan par l’écriture sensible du musicien, et son sens de la mélodie tire larmes, hérité de Georges Delerue, François de Roubaix et Michel Legrand.
Les amants parallèles est un album qui se vit plus qu’il ne s’écoute. On y frissonne, on y rit, on y pleure. Bigger than Life, disent les Anglo-Saxons. Il y a de cela dans cet enregistrement lumineux, que Delerm nous offre après deux années passées à tourner avec son spectacle Memory, qui entremêlait théâtre, musique et cinéma. On a tout entendu sur le Français. Qu’il était prétentieux, outrageusement bobo, trop élitiste, trop citationnel. Oubliez tout cela, fermez les yeux et écoutez Les amants parallèles. Vous n’y découvrirez rien d’autre qu’un compositeur au talent inouï.
«Les amants parallèles». tôt Ou tard/Disques Office.