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Le rock, arme antitotalitaire

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Jeudi, 24 Mars, 2016 - 05:57

Concerts. Le passage des Rolling Stones à Cuba n’est qu’une étape dans la longue histoire d’une musique naguère subversive, souvent utilisée pour porter au loin les valeurs occidentales.

Vaclav Havel considérait que le rock’n’roll était une musique de rébellion. Et qu’à ce titre il pouvait jouer un rôle important dans la contestation des régimes totalitaires. Havel lui-même s’était radicalisé au contact des rockeurs praguois du Plastic People of the Universe, dont la répression par le pouvoir communiste en Tchécoslovaquie a été l’une des causes du lancement de la Charte 77 (la pétition de dissidents contre la normalisation de la société tchécoslovaque).

Presque quarante ans plus tard, voici les Rolling Stones à Cuba, étape surprise dans leur grande tournée sud-américaine. Un concert (le 25 mars) qui suit la première visite dans l’île d’un président américain depuis 1928. Ponctuant ainsi, avec le riff de Sympathy for the Devil, le processus d’ouverture du pays castriste. Certes, d’autres groupes de rock occidentaux ont joué à La Havane avant la bande à Mick Jagger & Keith Richards. Les Américains d’Audioslave avaient eu le feu vert des autorités en 2005. Quatre ans auparavant, les pionniers britanniques des Manic Street Preachers donnaient un concert devant Fidel Castro en personne, assis au premier rang.

Mais jamais un groupe de la taille des Rolling Stones, ultimes survivants de l’explosion rock, au début des années 60, ne s’était produit à Cuba. Après tout, longtemps interdit sur place, le genre musical est toujours officiellement considéré comme une «déviation idéologique contre-révolutionnaire» dans la République à parti unique des Barbudos. Mais des intérêts économiques, l’effacement de Fidel au profit de son frère Raúl et le forcing de Barack Obama ont assoupli l’ukase. Accueillir les Rolling Stones, c’est en quelque sorte adouber l’économie de marché. Mick Jagger n’étant pas un ancien étudiant de la London School of Economics pour des prunes.

Not only rock’n’roll

It’s not only rock’n’roll, donc. Le genre a longtemps été un puissant, quoique sous-estimé, vecteur de démocratie. Précédé par le jazz à la fin des années 50, le rock s’est rapidement diffusé dans la décennie suivante au sein des Républiques soviétiques, en particulier grâce aux Beatles. Interdit à la radio, le rythme binaire parvenait tout de même aux jeunes oreilles grâce à des disques pirates, quitte à les presser sur des plaques à rayons X.

Les radios américaines ou européennes qui émettaient au-delà du rideau de fer portaient également au loin la bonne parole du rock, pour le coup instrumentalisée à des fins de contre-propagande. Cette musique était immensément populaire, des groupes se créaient à Budapest comme à Moscou, avant d’être souvent réduits au silence. Ou d’être contraints de reprendre le répertoire officiel de l’idéologie dominante.

D’autres stratégies occidentales ont été appliquées, comme à Berlin dans la seconde moitié des années 80, peu avant la chute du mur. Les enceintes des concerts de David Bowie, Michael Jackson ou Eurythmics organisés à l’Ouest étaient dirigées vers l’Est, permettant aux fans de la RDA de ne rien perdre des notes amplifiées. En désespoir de cause, le gouvernement est-allemand a invité l’impeccable Bruce Springsteen à jouer à Berlin en juillet 1988, la foule reprenant en chœur Born in the USA, drapeaux américains en main. C’était quelques mois avant la résignation d’Erich Honecker.

Bons offices?

Le rock ambassadeur de bonne volonté? Avec un genre aussi tordu que celui-ci, il faut toujours se méfier. L’an dernier, les Slovènes de Laibach étaient les premiers à donner un concert rock à Pyongyang, devant une foule aussi assise qu’impassible. Laibach, dont le nom reprend celui que les nazis donnaient à Ljubljana, cultive l’équivoque idéologique avec son goût du décorum militariste, tendance croix gammées. Laibach a-t-il fait le jeu du régime nord-coréen? Pour son défenseur numéro un, le philosophe slovène Slavoj Zizek, le groupe cultive au contraire une distance cynique par rapport au totalitarisme, l’imitant pour mieux le subvertir. Reste à voir si le passage très encadré de Laibach à Pyongyang aura des effets sur l’ouverture du dernier pays stalinien de la planète. Pas sûr! 

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