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Musique: Iggy l’incassable

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Jeudi, 10 Mars, 2016 - 05:59

David Brun-Lambert

Zoom. A 68 ans, le «parrain du punk rock» rugit encore, offrant un nouvel album balancé où sont évoquées les années berlinoises vécues aux côtés de David Bowie.

Affreux, dégueu et mauvais. Sexy, furax et barré. En 1968, c’est ainsi qu’Iggy Pop se présentait au monde, tandis que sortait le premier disque de ses Stooges (The Stooges). Un demi-siècle plus tard, son rock’n’roll aux mains sales, méchant comme la gale, a changé beaucoup le cours de la pop culture, devenant la matrice de laquelle naquirent le punk et ses satellites. Autrefois observé comme un freak hors limites, James Österberg (son vrai nom) se célèbre aujourd’hui comme un monument. Un performeur d’exception revenu de tous les excès et qui, à l’âge où d’autres savourent leur retraite, appelle une nouvelle fois à brûler les terres. En jeu cette fois: convoquer ses années berlinoises vécues au bras de David Bowie.

A la mort de Bowie, le 10 janvier dernier, un tweet circulait, demandant: «Quel monde va-t-on laisser à Iggy Pop et à Keith Richards?» Si ce dernier, entre la sortie d’un album solo et une tournée sud-américaine des Stones, paraissait occupé, il en allait différemment pour le «parrain du punk». Depuis Après (2012), album malheureux notamment composé de reprises de chansons françaises, Iggy semblait s’être rangé, animant un show hebdomadaire savoureux sur BBC Radio 6, participant à une campagne Amnesty International ou tournant des publicités foireuses pour des enseignes de télécoms ou d’assurances vie.

Mais il faut bien croûter. On lui pardonnait. D’autant qu’en un demi-siècle de carrière, le gamin de Muskegon, Michigan, ne s’est jamais économisé. Pas plus sur scène, queue à l’air et corps balafré, qu’en studio où ce type, mine de rien, a gravé un répertoire parmi les plus mordants jamais écoutés: I Wanna Be Your Dog ou Search and Destroy.

Et puis coup de bambou. En février, Iggy Pop annonçait la publication d’un nouveau disque. Cette fois, pas une daube vite pondue et qu’importe pourvu qu’elle paie le loyer. Non. Plutôt neuf titres musclés, pliés avec l’homme fort du rock américain: Josh Homme, entre autres patron du groupe Queens of the Stone Age, co­pilote des Eagles of Death Metal et producteur des Arctic Monkeys (Humbug, 2009). Bref: un as. Et une bonne pioche pour l’Iguane qui, suivant la démarche inaugurée par Bowie sur l’album The Next Day (2013), sondait à son tour la mémoire des nuits qui firent le quotidien de ses années à Berlin.

Post-dépression

Résumé. 1974: les Stooges sont morts, laissant pour legs trois albums barbares et le live Metallic K.O. Iggy, lui, est un déchet. Un junkie tourné clodo bientôt réduit à pourrir en asile psychiatrique. Bowie intervient. L’album parano Station to Station tout juste bouclé, le Thin White Duke quitte justement L.A. pour Berlin. Il l’embarque. Entre sevrage, dépression et badinage, la paire enregistre deux disques de rang signés Iggy: The Idiot et Lust for Life (1977). Ainsi, miraculé, James Österberg relance sa carrière. Quarante ans plus tard, le voilà méditant sur cette ère. «Nombre d’artistes de mon âge ne veulent pas sortir de leur zone de confort, dit-il. Une fois consacré légende, vous ne voulez pas être mis au défi.» Sauf que lui en crevait d’envie.

Enfermé au Rancho de la Luna, un studio planté en plein désert californien, le trompe-la-mort d’hier ébauchait alors son dix-septième album solo. Pour compagnie: Josh Homme, le bassiste Dean Fertita (un vieil ami) et Matt Helders, batteur des Arctic Monkeys. Bruit et spleen. Sueur et crachin. Sans frime, Post Pop Depression fait le point. Et au passage rappelle à qui l’ignore que, loin du braillard de Raw Power (1973), Iggy compte parmi les derniers crooners du rock.

A qui en douterait, les singles Break Into Your Heart et Gardenia valent pour démonstration. Mais plus: ici, il est question de liberté, de mémoire, d’honnêteté. Des thématiques casse-gueule, comme on le sait. Mais l’Iguane, lui, fonce, déballant tout: nerfs, os, chair, regrets ou chagrin, convoquant même dans German Days et Sunday l’impossible salut autrefois embrassé à Berlin-Ouest, quand, déclaré cramé, un certain David Jones finalement le sauvait.

«Post Pop Depression». D’Iggy Pop. Caroline International/Universal Music. Sortie le 18 mars.

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