Mise en scène par Joan Mompart, la production genevoise rappelle le théâtre des tréteaux avec ses décors rustiques, astucieux et mobiles sur lesquels sont juchés les instrumentistes de ce détonnant objet lyrique signé Brecht/Weill. Huit comédiens chanteurs se partagent les rôles, jonglent avec les costumes et accessoires, célèbrent de ce fait l’esprit de troupe reflétant si bien le caractère d’un opéra bricolé qui, créé en 1928, s’affirmait comme anticonformiste, citoyen, espace d’action plutôt qu’objet de consommation.
Formellement, et portée par d’excellents acteurs, la production respecte l’ouvrage, mais ne parvient pas à en restituer le mordant décalé. Le ton caustique crie plus qu’il ne grince, inquiète ou provoque. Le cynisme, surligné, perd sa noirceur bien-pensante ordinaire et amuse en guignol plus qu’il ne dérange en miroir. Musicalement, l’œuvre sonne franc – rutilante ou mordorée, selon ses styles parodiques contrastés. La célèbre Fiancée du pirate aurait cependant gagné à être transposée pour offrir à son interprète une tessiture plus appropriée. On espérait un spectacle coup de poing: il a des couleurs sépia, un brin surannées, très plaisantes. Le pire des compliments, sans doute, à adresser à cette satire vitriolée et tonique.
Genève, La Comédie. Jusqu’au dimanche 20 mars. www.comedie.ch.
Puis en tournée à Bienne, Fribourg, Vevey jusqu’en mai.