Zoom. Le réalisateur présente à Genève et à Lausanne, dans le cadre du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH), un documentaire sur l’assassinat d’Yitzhak Rabin.
Lors de sa venue à Lausanne en automne 2014, à l’occasion d’une exposition que lui consacrait le Musée de l’Elysée en marge d’une grande rétrospective à la Cinémathèque suisse, Amos Gitaï nous expliquait travailler au développement de cinq films. Mais l’un lui tenait plus à cœur: Le dernier jour d’Yitzhak Rabin. Un documentaire qu’il allait réaliser à l’occasion du vingtième anniversaire de l’assassinat du premier ministre israélien, Prix Nobel de la paix 1994 pour son rôle actif dans la signature, une année plus tôt, des Accords d’Oslo. On pensait alors une résolution du conflit israélo-palestinien possible.
Cependant, le 4 novembre 1995, un intégriste juif l’abattait de deux balles. Et quelques mois plus tard, c’est la droite nationaliste qui prenait le pouvoir, rendant tout espoir de réconciliation de nouveau fort utopique. Mais Amos Gitaï, lui, y croit encore, comme il y croyait il y a vingt ans.
Ce documentaire sur Yitzhak Rabin, qu’il vient présenter à Genève et Lausanne, il l’a construit à partir d’images d’archives, d’interviews et de reconstitutions. Il l’a réalisé avec ses tripes, comme un geste citoyen. Le film rend un hommage sincère à un militaire devenu militant pacifiste, profondément convaincu que le dialogue est plus fort que les armes.
«On vit un moment difficile, néanmoins j’ai espoir que tout va se régler un jour, affirme le réalisateur israélien. Après combien de morts? En Europe, il aura fallu des dizaines de millions de victimes et plusieurs guerres pour arriver à la conclusion qu’on peut ne pas être d’accord, mais qu’il ne faut pas tuer pour autant.» Il nous disait cela avant cette tragique année 2015… Cinéaste de l’espoir, cinéaste de la mémoire aussi, pour reprendre le titre de l’exposition présentée à la Cinémathèque suisse, Amos Gitaï est persuadé que les artistes ont un rôle à jouer, qu’ils doivent faire entendre leur voix. Les plus grandes œuvres de l’histoire de l’art ont d’ailleurs des racines politiques, rappelle-t-il.
L’échafaudage du réel
«Prenez Guernica, de Picasso: c’est la réaction d’un peintre sur les bombardements par la Luftwaffe d’un village basque. Et pour rester dans la peinture espagnole, tout le monde admire Vélasquez, son esthétique, sa géométrie, son utilisation des couleurs; l’échafaudage de son travail, c’est cependant le réel. Il voulait décrire la décadence de la monarchie espagnole. De même, dans beaucoup de mes films, comme Kadosh, Kippour, Kedma, Free Zone, Ana Arabia et même Tsili, l’échafaudage du réel est à la base du récit. Puis à un moment donné, l’échafaudage disparaît et l’œuvre reste.»
Pour Amos Gitaï, c’est la conjonction du fond et de la forme qui fait la qualité d’un film. «A chaque fois, il faut essayer d’innover. Et même si c’est une mission un peu compliquée, il faut la tenter», dit cet esthète qui parfois s’est perdu dans les méandres d’une narration dénuée de chair, plus cérébrale qu’émotionnelle. Peu importe, il faut lui laisser ce désir d’expérimenter, et cet amour d’un art dont chaque cadre, chaque plan peuvent dire plus que ce qu’ils montrent.
Il trouve qu’il y a quelque chose d’organique dans le fait d’agencer l’espace – il a une formation d’architecte – et d’orchestrer les déplacements des personnages. Mais il est contre la sacralisation des choses, et donc du cinéma. Et d’insister sur l’héritage précieux que lui ont laissé ses parents: l’amour de la laïcité.
FIFDH, Genève, du 4 au 13 mars.
Projections du «Dernier jour d’Yitzhak Rabin» le 6 mars (Grütli, 15 h), ainsi que le 13 (Grütli, 17 h) et le 14 (Cinémathèque suisse, Lausanne, 19 h 30) en présence d’Amos Gitaï.
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