Critique. Avec «Tempête», Samuel Collardey signe un film sensible dans lequel un pêcheur et père de famille vendéen joue son propre rôle. Avec un prix d’interprétation à la clé.
Dominique Leborne est pêcheur. Passant presque autant de temps en mer que sur terre, il lui est difficile de s’occuper de son fils et de sa fille adoptive, dont il a la garde. Dominique Leborne n’est pas un personnage de cinéma: c’est un homme avec ses failles, ses doutes, ses espoirs aussi. Devant la caméra de Samuel Collarday, il est Dominique Leborne, ou plus simplement Dom. Et ses deux enfants, Mailys et Matteo, sont Mailys et Matteo. Ils rejouent tous trois leur histoire. Le cinéaste français a travaillé à partir d’un matériau documentaire, mais avec un puissant désir de fiction, qui a notamment passé par l’utilisation d’une pellicule 35 mm et d’une musique apportant beaucoup de souffle au récit. Que l’on sache que les protagonistes jouent leur propre rôle n’affaiblit, dans le fond, en rien la puissance narrative du film.
Alors, faux documentaire, fiction réaliste, docufiction? Peu importe la définition que l’on fait de Tempête. Avant d’être un long métrage mettant en scène le réel, c’est surtout un film sensible sur un père partagé entre son rêve de posséder son bateau et sa peur de voir ses enfants s’éloigner. Car il a beau tenter de faire bonne figure face à la juge aux affaires familiales venue le rencontrer, il est incapable de proposer à Mailys et Matteo la stabilité dont ils ont besoin. La tempête du titre n’est donc pas celle qu’il affronte en mer, mais celle, familiale, qui va remettre en cause son rôle de père.
À la fois lui et pas lui
Après un petit quart d’heure pas toujours adroit dans sa façon de mettre en place les «personnages» et les enjeux qui sous-tendent le film, celui-ci trouve son rythme. Dominique Leborne semble prendre conscience qu’il est à la fois lui et pas lui, qu’il peut être naturel tout en jouant. Collardey n’a alors pas besoin de tendre vers un réalisme qui rappellerait le cinéma des frères Dardenne, il peut au contraire tout faire pour apporter du romanesque à son histoire. Lors de la dernière Mostra de Venise, Leborne a obtenu le prix d’interprétation de la section Orizzonti. Mérité.
«Tempête». De Samuel Collardey. Avec Dominique Leborne, Matteo Leborne et Mailys Leborne. France, 1 h 29. Sortie le 2 mars.