Quarante et un photographes ont été récompensés cette année par le jury du World Press Photo, principal concours de photojournalisme au monde. Un quart d’entre eux l’a été pour des travaux en noir et blanc. A commencer par le prix principal, décerné à une image hantée du photographe australien Warren Richardson.
On y voit un père syrien confier son bébé à des mains secourables, de part et d’autre d’une barrière de barbelés à la frontière serbo-hongroise, une nuit d’août 2015. Les forces de l’ordre étaient alors dans les parages: pas question pour Warren Richardson d’utiliser un flash. Il a tiré parti de la seule lumière de la lune, au 1/5e de seconde, à pleine ouverture, la sensibilité de son reflex sur 6400 ISO. La photo est granuleuse, floue, simple et forte. Elle est surtout en noir et blanc, un choix qui se fait avant ou après la prise de vue. A l’heure plus que jamais dominante du numérique, le monochrome n’est plus qu’un filtre parmi d’autres, une suite d’algorithmes qui donne une patine «classique» à la photo. Cette qualité a sans doute motivé le jury du World Press à retenir autant de travaux en noir et blanc.
Malmené ces dernières années par des affaires de trop grandes manipulations des images, le concours en revient à la source vive du photoreportage, avec ses icônes en dégradés de gris qui peuplent encore la mémoire collective. Le noir et blanc reste un gage d’authenticité, même si l’histoire de la photo a montré qu’il n’en était rien. Il stylise son sujet, le sensibilise et le poétise, ce qui va aussi dans le sens du World Press Photo, à la recherche désormais d’images d’actualité plus interprétées, moins violentes. On avait cru le bon vieux monochrome rangé dans le tiroir de la nostalgie ou celui de l’effet facile: le revoilà en action, fier de son passé, peut-être même de son futur.