Zoom. Cinq comédiens racontent sur scène les histoires, les astuces, les rires qu’ils partagent avec des enfants confrontés à la maladie. Tour de piste en prélude à la tournée romande de ces médecins du rire.
«Etre clown à l’hôpital, c’est faire des claquettes dans un champ de mines», décrit Caroline Simonds, fondatrice du Rire Médecin, équivalent français de la fondation suisse Theodora et de ses Docteurs Rêves. Etre clown à l’hôpital, c’est d’abord renverser les valeurs, les pouvoirs et les priorités, rappelle Patrick Dordoigne, metteur en scène de Hors-piste et lui-même médecin du rire: «L’enfant a un rôle central, qu’il soit spectateur ou partenaire de nos jeux. La hiérarchie est claire: il est au-dessus des clowns.»
Les clowns proposent, l’enfant dispose. Il est enfin face à des adultes qui n’ont aucune emprise sur lui, ni en matière de soins ni en matière de liens familiaux. Juste des adultes maladroits, vulnérables et faillibles, dans tous les cas surprenants et un brin déraisonnables, pour son plus grand plaisir: «Nous ne cherchons pas à faire rire à tout prix, rappelle Patrick Dordoigne, mais à restituer à l’enfant le goût du jeu, sa place et l’envie de rêver.»
Idem au théâtre: Hors-piste, spectacle tout public prochainement en tournée romande (avec en parallèle des représentations scolaires), s’annonce comme un moment où le rire, l’étonnement et les émotions se télescopent. Montré à plusieurs reprises dans des villes françaises, il y reçoit un accueil unanimement estomaqué et enthousiaste. Sa construction est simple: «Nous avons collecté les rencontres les plus étonnantes vécues par chacun des comédiens afin d’en partager l’intensité et la richesse sous forme théâtrale.
C’est une manière de lever le voile, de les mettre en lumière et de leur restituer une dimension scénique et universelle.» Mais rien de «thérapeutique» dans cette démarche: juste le goût du jeu et de l’expression de la vie dans ses bousculements et sa résistance. Les comédiens incarnent tour à tour leur propre rôle ou celui d’un enfant, d’un parent, d’un soignant: «Nous avons testé le recours à des marionnettes pour incarner nos jeunes partenaires, explique Patrick Dordoigne. Cela ne fonctionnait pas aussi bien que lorsque les comédiens jouaient eux-mêmes les enfants ou adolescents qu’ils avaient côtoyés! A force de jouer pour eux et avec eux, ils en sont devenus les doubles.»
Subtil bazar
Médecins du rire ou docteurs ès rêves, les clowns – danseurs des longs couloirs d’hôpitaux ou jongleurs au pied d’un lit – manient astuces, maladresse finaude et, surtout, délicatesse. Ils prennent connaissance de chaque enfant afin de ne jamais le mettre en échec ou lui porter préjudice. «Il y a un nombre impressionnant d’informations à gérer et à prendre en compte», souligne Patrick Dordoigne qui insiste aussitôt sur la formation de ces soignants en fantaisie: «Nous sommes tous des comédiens issus d’une école de cirque, de l’improvisation, du théâtre de rue, autant de disciplines qui exigent elles aussi un sens aigu de l’observation et des réactions adaptées.» Et chacun mène en parallèle des activités théâtrales «pour continuer à apporter des idées, de la lumière, de la fraîcheur».
A défaut de médicaments et de seringues, les clowns manient donc des marionnettes, jouent, chantent, racontent, font des tours de magie. Professionnels jusqu’au bout de leur stéthoscope à coulisse, ils respectent l’enfant et son entourage mais en bousculent certains paramètres. Patrick Dordoigne cite un des médecins responsables qu’il côtoie: «Le jour où vous ne mettrez plus le bazar dans mon hôpital, cela ne vaudra plus la peine de revenir!»
Porté par des comédiens clowns improvisateurs expérimentés, Hors-piste éclabousse et surprend le public, entre éclats de vie, d’incongru et de rire, fidèle à sa devise de renverser les rôles, d’inventer des interactions, de «mettre le bazar» sur scène comme dans la vie.
Sion, Théâtre de Valère. Ve 26, 20 h 15. www.theatredevalere.ch
Villars-sur-Glâne, Nuithonie. Ve 4 et sa 5 mars, 20 h. www.equilibre-nuithonie.ch
Yverdon-les-Bains, Théâtre Benno Besson. Jeudi 10, 20 h. www.theatrebennobesson.ch