Il était une fois un commerçant de Fès, au Maroc, marié et père de famille, que ses affaires appelaient souvent au Sénégal. On est dans les années 1940 et, par commodité, Amir opte pour un mariage dit «de plaisir», temporaire et autorisé par l’islam, avec une jeune et belle prostituée peule. Las: il tombe amoureux de Nabou et la ramène à Fès pour qu’elle devienne sa seconde épouse. Elle donne naissance à des jumeaux, l’un blanc, l’autre noir, affronte le racisme quotidien et la jalousie féroce de la première épouse. Quelques décennies plus tard, dans un Maroc contemporain, les jumeaux connaissent un destin au bonheur inversement proportionnel à leur couleur de peau.
Roman sentimental autant que roman sociopolitique, Le mariage de plaisir est un des plus beaux romans de l’auteur de La nuit sacrée, Partir, L’ablation ou Le bonheur conjugal. Avec souffle, émotion mais une épatante simplicité, ample et tragique, il aborde à la fois les thèmes du sentiment amoureux lorsqu’il paraît dans la vie d’un homme marié par convention, du courage qu’il faut pour braver les regards et vivre selon ses convictions intimes, de la ségrégation liée à la couleur de peau, que l’on soit en Afrique ou en Europe.
Suivant un des fils d’Amir lorsqu’il tente de gagner l’Europe depuis Tanger, Ben Jelloun saisit avec lucidité la détresse née de sa double identité, Marocain à la peau noire.
Ecrit à la manière d’un conte, donc avec un mélange particulier de distance et d’empathie, Le mariage de plaisir est traversé par le personnage lumineux de Karim, fils d’Amir, simple d’esprit animé par sa seule gentillesse et son désir de créer du lien. Karim, inspiré par Amine, le propre fils trisomique de Tahar Ben Jelloun, à qui le livre est dédié.