Rassemblées au sein du collectif Binoculaire, trois musiciennes classiques étouffent sous les codes formalistes du récital, où seule importe la qualité du son et de l’émission des phrases musicales, et décident de reprendre possession de leur corps, de leur individualité, de leur ressenti décidément à l’étroit dans les répertoires et habits de concert. Rameau en fait les frais. Sa musique sert de déclencheur à leur ennui et à leur révolte. Et les mots vont alors débouler, violents, crus, frustrés. Ils disent à la fois le rapport quasi amoureux à un instrument qui se révèle complice et bourreau – Delphine Bouvier au violon, Elisabeth de Merode à la flûte, Manon Pierrehumbert à la harpe –, le travail, l’exigence, l’écoute des autres, le paradoxe de prendre le risque d’être écouté tout en devant se taire.
Cette problématique de l’interprète-objet a nourri le théâtre musical du XXe siècle, de Cage à Aperghis, Kagel ou Wyttenbach, qui ont fait exploser les limites entre sons et mots. Dans ce spectacle cependant – travail collectif mis en scène par Jérôme Richer – les mots affirment des personnalités alors que la musique, signée Olivia Pedroli, se contente d’esquisser des climats. D’où une impression de théâtre déposé sur des sons prétextes, certes bien interprétés.
Bienne. Théâtre de Poche. Sa 23, 20 h 15. Di 24, 18 h.
Puis tournée romande: Moutier, Genève, La Chaux-de-Fonds.
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