Quelle est votre conception du paradis? A la manière d’un ethnologue, le documentariste Stéphane Goël (Qué viva Mauricio Demierre, Prud’hommes) est allé poser la question de la vie après la mort à des personnes qui contemplent, comme dit son père, leur dernière ligne droite. Le résultat est à la fois drôle et poignant. Face caméra, en noir et blanc, des femmes et des hommes évoquent leur vision de l’au-delà. Certains pensent que «schluss fertig terminé», il n’y a plus rien. Aucun espoir n’est permis, le paradis, l’enfer et le purgatoire, c’est sur terre qu’on les éprouve.
Pour d’autres, c’est tout le contraire: le paradis est tellement grand que c’est impossible de le décrire; la vie après, ce sera mieux qu’avant. Il y aura plein de couleurs et de fleurs, et on pourra visiter tout ce qu’on n’a pas eu le temps de voir de notre vivant. Et il y a ces deux sœurs, passablement illuminées, qui estiment qu’il y aura beaucoup de lumière puisque «Jésus-Christ nous éclairera de sa gloire», et qui se réjouissent de vivre cela. Ou encore cette vieille femme marquée qui évoque sa petite Caroline, la perruche qu’elle pourra enfin retrouver… «Et mon mari aussi, puisqu’il y est déjà.»
De la répétition des mêmes peurs, des mêmes espoirs et doutes, Stéphane Goël tire un documentaire doux-amer face auquel on en vient, devant l’accumulation des témoignages, à se poser des questions quant à nos certitudes. Excellente idée, il rythme son film en mettant en scène une marche à la montagne en compagnie de son père, à la recherche d’un petit coin de paradis terrestre. Ces plans sont, eux, en couleur. Comme pour dire que ce qui compte, c’est bien l’instant présent, lorsqu’on est vivant au côté de ceux que l’on devra forcément un jour quitter.
«Fragments du paradis». De Stéphane Goël. Suisse, 1 h 25.