Roman. «Le dragon du Muveran», premier livre du Genevois Marc Voltenauer, fait un parcours inattendu depuis sa sortie. Adaptation à l’écran en vue.
Au cœur de l’histoire, il y a un cadavre gisant nu dans l’église de Gryon, allongé sur la table sainte, les bras écartés à l’image du Christ crucifié, les orbites vides et ensanglantées. Cette scène, Marc Voltenauer en a eu l’idée en passant cinq mois dans le petit village des Préalpes vaudoises, lieu d’origine de son compagnon, au retour de plus d’un an de pérégrinations autour du monde passé certes à voyager mais aussi à dévorer Henning Mankell, Camilla Läckberg, Jo Nesbø et autres polars nordiques.
Marc Voltenauer adore le village, son cœur appelé le Fond-de-Ville, son ambiance pittoresque, les chalets, les massifs alentour, l’isolement, la confrontation entre le monde rural et la modernité, les histoires et les vieilles légendes qui se racontent au café. Surtout celle qui dit que par temps de pleine lune, en été, des parois du Muveran, à l’emplacement de la cabane de Plan-Névé, un dragon sort pendant la nuit, virevoltant au-dessus de Gryon, expectorant d’ardentes flammes brûlantes de son feu.
De Läckberg à Gryon
Né en 1973 à Genève, petit-fils d’un évêque luthérien en Suède, Marc Voltenauer venait alors de passer huit années aux ressources humaines de la Banque cantonale de Genève après des études de théologie et un poste de secrétaire général des Unions chrétiennes de Genève. Lassé du milieu bancaire, il cherche, se cherche, et voyage. Posé à Gryon, il se dit que si les auteurs nordiques arrivent à séduire le monde entier en plaçant leurs intrigues dans des petits villages inconnus et reculés, il n’y a pas de raison pour que ça ne marche pas aussi avec celui dans lequel il se trouve alors.
Du coup, juste avant Noël 2012, au retour de ce tour du monde, il se réveille au milieu de la nuit, se coule un café et pose sur le papier les grandes lignes de l’intrigue du Dragon du Muveran. Crée ses personnages, l’inspecteur de police Andreas Auer, un épicurien des villes, homosexuel cultivé, spirituel, curieux, passionné par les tueurs en série, son équipière Karine, la pasteure protestante Erica Ferraud, le tueur, orphelin mal-aimé investi adulte d’une mission divine d’ange exterminateur qui pousse tous les villageois à replonger dans leurs souvenirs et à se remettre douloureusement en question.
Un an et demi après, son manuscrit terminé, Marc l’envoie à plusieurs éditeurs. Isabelle Cardis, patronne des Editions Plaisir de Lire à Lausanne, par ailleurs responsable de la bibliothèque de Montriond, est prompte à répondre à l’auteur. «J’ai lu le livre d’une traite. Il a du rebondissement, du suspense et se passe dans un village que je connais de mon enfance. Je ne l’ai pas lâché avant la fin. J’ai aussi tout de suite su à qui je le prêterais à la bibliothèque. Je voyais très bien à quelles personnes je pourrais le proposer et je voyais que ce public était varié, hommes, femmes, jeunes et moins jeunes. Tous ceux qui aiment les polars nordiques et tous ceux qui sont sensibles à ce que cela se déroule près de chez nous.»
La boucherie aussi
Depuis, le succès est au rendez-vous de manière inespérée. L’église de Gryon était pleine pour le lancement du livre, le 1er novembre. Du kiosque de Gryon à sa boucherie ou à la librairie Le Crime Parfait à Bex, les commerces des villages alentour, Leysin, Bex, Les Diablerets, se font les ambassadeurs fiers et convaincants de ce polar qui se passe chez eux. Rien qu’à Gryon, des centaines de livres ont été vendus, aux habitants comme aux visiteurs. «L’intrigue locale est pour beaucoup dans ce succès.
Les gens s’y retrouvent, ils ne se sentent pas trahis», commente Isabelle Cardis, qui a imprimé 2800 exemplaires à ce jour et vendu de manière effective quelque 2000 de ce premier roman. Hier encore inconnu, Marc Voltenauer est désormais omniprésent sur les réseaux sociaux, redoutablement actif dans le marketing direct de son livre, en contact régulier avec la presse ou les points de vente, librairies ou commerces en tout genre de la région. Grâce à son ami Jean-Luc Schmalz de www.actes.ch, trois teasers efficaces et ludiques tournent à partir de son site www.marcvoltenauer.com
Du coup, Jean-Louis Porchet de CAB Productions s’est emparé de l’histoire, a pris une option sur les droits et réfléchit à une adaptation sur écran, soit en série pour la télévision romande, soit en long métrage pour le cinéma. «C’est une amie qui me l’a fait lire il y a un mois. J’ai adoré le livre, qui se passe près de chez moi. Les personnages sont bons, l’intrigue est très bien menée, ce mélange de mystique, de meurtre, de nature, d’esprit villageois, le tout raconté de manière assez crue, est excellent.»
Marc Voltenauer travaille désormais dans la distribution pharmaceutique et fait partie de la direction de GaleniCare. Il a déjà écrit plus de trois cents pages de son deuxième roman dans lequel nous retrouverons son inspecteur Andreas Auer, la pasteure Erica Ferraud et Gryon, mais qui se permettra un détour par Berlin et une incursion à la Banque cantonale de Genève, que l’auteur connaît bien. Rendez-vous en septembre.
