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Percer dans le marché musical: mode d’emploi

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Jeudi, 14 Janvier, 2016 - 05:57

Texte de David Brun-Lambert

Analyse. Dans une économie du disque exsangue, les artistes émergents sont désormais forcés d’inventer de nouvelles voies pour lancer leur carrière. Etat des lieux.

L’année démarre à peine que les festivals musicaux bousculent déjà les agendas. Aujourd’hui, le transfrontalier Walk The Line. Demain, les genevois Antigel ou Voix de Fête. Point commun de ces événements? Un soutien fidèle apporté aux artistes émergents pour qui lancer une carrière prend désormais des airs de casse-tête. Comment alors s’imposer dans un marché profondément bouleversé? Nous avons soumis à la question certains professionnels du music business romand.

«Clé en main»

Ils sont artistes, manager, tourneur, programmateur de festival pop, patron de label ou de salle de concert. Tous ont connu une ère, pas si lointaine, où «percer» dans le marché musical signifiait d’abord signer avec une maison de disques avant de patiemment bâtir une carrière articulée autour d’albums et de tournées successives. «En Suisse romande, rares étaient alors ceux qui signaient avec une maison de disques, rappelle Christian Wicky, chanteur du groupe Favez et patron du diffuseur de musiques indépendantes Irascible.

Il n’existait qu’un seul niveau d’émergence. On passait inaperçu si on n’était pas soutenu par un label.» Depuis, l’écroulement du marché du disque en 2008 et la diffusion de musique sur l’internet ont perturbé un écosystème qui voit les majors renoncer aujourd’hui à «développer au long cours des carrières d’artistes pour désormais s’inscrire dans des stratégies de coups», selon Roland Le Blévennec, cofondateur du club carougeois Le Chat Noir et programmateur de Voix de Fête.

«Dans une industrie dont les revenus ont baissé, développer un artiste coûte cher, explique Raphaël Nanchen, cofondateur de l’agence d’événements Dandy Vision et manager de Bastian Baker. Par conséquent, il est devenu crucial pour un artiste émergent de faire d’abord les choses par lui-même avant d’espérer qu’un professionnel s’en charge à sa place. En effet, ce dernier préférera aujourd’hui miser sur de jeunes talents «clé en main», qui possèdent déjà un répertoire solide et un public fidèle.» Mais comment se tailler une «fan base» quand on vient de nulle part, et qu’aucune aide n’existe en Suisse qui permette aux jeunes artistes de pleinement se consacrer à leur musique? «En s’assurant d’abord une présence forte sur l’internet», répond Sébastien Vuignier, directeur de l’agence de booking Takk.

YouTube & Co.

«Les nouveaux médias ont pris le relais dans le lancement de carrière des jeunes artistes, tant auprès du public que des professionnels de la musique», explique Marc Ridet, directeur de la Fondation romande pour la chanson et les musiques actuelles, structure nyonnaise offrant un soutien précieux aux musiciens émergents de l’arc lémanique. A ce jour, d’ailleurs, les exemples abondent qui voient des talents s’arracher à l’anonymat en totalisant des millions de vues sur YouTube, à l’exemple du trio féminin français L.E.J. qui est déjà annoncé à l’affiche de grands festivals en 2016. Mais pour combien de temps?

«Le web a indiscutablement précipité un nouveau mode d’émergence, commente Christian Wicky. A présent, tout le monde peut prétendre à toucher une audience. Il existe cependant un revers: un artiste n’a plus le temps de se développer patiemment. Il lui faut aussitôt se présenter comme un «produit fini» que le public aura envie d’écouter. Pour autant, sera-t-il «jeté» après avoir été «consommé»? Quoi qu’il en soit, à lui de se débrouiller pour distribuer digitalement sa musique, assurer sa promotion et surtout décrocher des dates de concerts.»

Le live, justement: la principale source de revenu de l’industrie musicale et le lieu où se concentrent agents, tourneurs et programmateurs devenus des relais indispensables au lancement de carrière. «Il n’y a jamais eu autant de jeunes talents cherchant à se lancer, concède Jacques Monnier, programmateur du Paléo. Nous n’avons d’ailleurs jamais reçu autant de propositions, au point qu’il nous est devenu difficile de tout écouter.»

En scène

«Jouer dans un festival ne lance pas une carrière, mais c’est un indéniable accélérateur de projet», rappelle Marc Ridet. Même constat chez Roland Le Blévennec: «Un artiste qui ne fait pas de concerts ne peut progresser. Le vrai développement passe donc aujourd’hui par la confrontation avec le public.» De même que l’avenir de la scène musicale romande est conditionné par la capacité des salles et festivals à soutenir la nouvelle génération. «Préparer la relève artistique est notre rôle, défend Jacques Monnier. Nous accueillons environ 25 nouveaux talents par édition. En leur donnant une chance, on espère les retrouver face à 30 000 spectateurs quelques années après.»

Face au nombre croissant de musiciens cherchant à percer, et en tenant compte que parmi eux se cachent peut-être les grands noms de demain, se développent des festivals exclusivement consacrés aux artistes émergents: les Trans Musicales de Rennes ou le lémanique Walk The Line (lire encadré). «Ces rendez-vous sont devenus importants pour les professionnels qui y découvrent en quelques jours des artistes prometteurs, précise Jacques Monnier. Toutefois, en relisant les programmes de ces événements des années plus tard, on réalise que peu de musiciens ont finalement réussi à durer.»

Pour quelle raison? Peut-être parce que «bâtir son lancement de carrière par ses propres moyens avant d’espérer asseoir sa notoriété un jour en signant avec un label ne suffit pas, reconnaît Sébastien Vuignier. Aucun de ces efforts n’aura d’impact si un artiste ne possède pas l’essentiel: les aptitudes à écrire de bonnes chansons capables de toucher le plus grand nombre.»


Walk The Line, festival sans frontière

L’événement franco-suisse lance sa troisième édition. A découvrir: six groupes lémaniques émergents.

«Créer un espace de diffusion pour les artistes romands ou français»: là se trouve, selon Marc Ridet, directeur de la Fondation romande pour la chanson et les musiques actuelles (FCMA), toute la philosophie de Walk The Line, festival consacré à la découverte de nouveaux talents lémaniques. Lancé par la FCMA en collaboration avec Château Rouge (Annemasse), l’événement ouvre à six groupes émergents sélectionnés sur le volet les portes de six salles de concert renommées des deux côtés de la frontière. Parmi eux attendent les artistes phares de demain. Une initiative à soutenir. De plus, c’est gratuit!

Festival Walk The Line. Du 18 au 23 janvier 2016, gratuit. Inauguration: Annemasse, Château Rouge. 18 janvier 2016, 21 h. Conférence: «Tourneur, c’est quoi?» (gratuit). Plus d’informations: www.fcma.ch/news/walk-line-2016

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