Pour son premier opéra, le compositeur Dominique Gesseney-Rappo a choisi la ligne claire. Les personnages de Carlotta ou la Vaticane, création de l’Opéra de Fribourg sur un livret de Christophe Passer, chantent leurs répliques comme ils le feraient au théâtre, en temps réel, en se relançant la balle, dans un souci un peu trop raisonnable d’efficacité théâtrale. Et c’est à l’orchestre, aux sonorités très contrastées et originales (accordéon, saxophone, percussions, cordes, vents et cuivres), que revient le rôle de les caractériser, d’illustrer leurs enjeux, leurs personnalités, leurs stratégies.
Cet a priori marque le premier acte d’une austérité certaine. Jusqu’au moment où la polyphonie vocale fait enfin son entrée, où l’on éprouve la spécificité de l’opéra par rapport au théâtre parlé: l’expression simultanée d’émotions, de pensées contradictoires, de couches sonores et sensorielles. Polyphonie, encore, dans le chœur des Gardes suisses débutant par le motif ascendant des Armaillis des Colombettes… Puis retour à la ligne claire qui, vu les enjeux du livret entre-temps exposés, trouve mieux sa raison d’être et dégage un souffle dramatique indéniable.
Porté par d’excellents interprètes, côté voix comme instruments, dans une mise en scène qui accorde de l’espace et de l’air, le spectacle vaut vraiment la peine d’être suivi et écouté jusqu’aux coups de feu finals. Reste que la musique manque parfois de l’autonomie qui justifierait pleinement son rôle et ses harmonies tourmentées, et insufflerait aux mots, intelligents et directs, une portée plus mystérieuse, universelle et profonde, permettant d’outrepasser et de bouleverser ce récit de passions et d’intrigues qui ne se cantonnent pas aux coulisses d’un palais papal.
Fribourg. Théâtre Equilibre. Ve 15, 19 h 30. Di 17, 17 h. Bulle. CO2. Di 24 janvier, 17 h. www.operafribourg.ch
