Hommage. A la Comédie de Genève, puis dans d’autres salles romandes, Yvette raconte «sa» Barbara côté cœur, de l’amoureuse à l’aimante universelle.
A 15 ans, Yvette voulait être une sainte. Mais glisser «des cailloux dans ses souliers», être sage et obéissante, «c’est difficile sur la durée»... L’apprentie va opter pour un autre sacerdoce. Elle sera amoureuse. Tout un programme auquel Barbara apporte une dimension sensuelle et exaltante avec Dis, quand reviendras-tu? dont Yvette conserve encore la partition petit format, pour voix et piano. L’amour prenait le pas sur la spiritualité. Avec lui, la liberté de penser autrement, de se nourrir de textes, de chansons, de théâtre, du goût de la rébellion et de la lutte.
C’est ce cheminement, dans un univers parallèle, qu’Yvette raconte en s’adressant avec émotion, admiration mais aussi parfois sur un ton frondeur à la longue dame brune qui s’est tue dans la cause des femmes alors qu’elle, sa cadette de dix-sept ans, s’y lançait à corps perdu. Barbara mourait en 1997, à l’âge de 67 ans. «Quand j’ai eu moi-même 67 ans, je me suis dit que j’étais prête à lui rendre cet hommage», sourit notre dame brune. Mais un hommage à sa façon si singulière. Yvette n’imite pas Barbara. Elle est qui elle est et, très simplement, raconte.
Dès ses premiers tours de chant, Yvette s’est distinguée par son art du montage. Elle rassemble des éléments a priori hétéroclites – bribes de chansons, textes, maximes, observations quotidiennes – qu’elle transforme en parcours scénique efficace. Elle coupe, colle, recycle, cherche des raccourcis ou des correspondances, provoque des chocs incongrus, dynamiques. L’icône Barbara n’échappe pas au traitement. Yvette bouscule son univers, le place dans une perspective ramassée et nouvelle. Elle associe des bribes de chansons, interrompt, déguste, s’étonne, interroge. Le travail de montage a bien pris une année.
Mais il existe une différence de taille entre ce dialogue et ses derniers spectacles. L’exploration souvent blessée de l’intime, de la vieillesse et de la mort laisse place à un rapport apaisé au temps, au chagrin, aux amours mortes. «Barbara a tout magnifié par le chant, elle a sublimé ce qui avait été saccagé», dit la chanteuse. Passant de l’amour amoureux à un amour plus «universel» et militant, elle a rejoint et nourri ses propres priorités, en quelque sorte. Ce face-à-face de résistantes dissemblables est salutaire.
L’interrogation de son fils interpelle, en début de spectacle: «Barbara, elle pense quoi de tes chansons?» Yvette rit. Elles ne sont pas sur la même planète, même si elles ont foulé la même terre. Barbara est une icône, «comme Callas ou Sarah Bernhardt»…
Mais, en contrepoint, alors qu’Yvette raconte Barbara, la question demeure: à quand une jeune comédienne chanteuse qui reprendrait ses chansons à elle, tellement cocasses, inventives, hors cadre? «Barbara, vous avez un grain», lance Yvette. De velours ou gratteur, comme les cailloux dans les souliers de l’enfance. Elle n’est pas la seule.
Genève, Théâtre de la Comédie. Jusqu’au di 20 décembre.
www.comedie.ch
La Chaux-de-Fonds, L’Heure bleue. Ve 29 janvier.
Lausanne, Théâtre 2.21. Du 2 au 7 février.