Bruce Springsteen. Double album culte sorti il y a trente-cinq ans, «The River» est réédité dans un coffret riche en documents inédits.
«J’ai vu le futur du rock’n’roll et il s’appelle Bruce Springsteen.» Le 9 mai 1974, le journaliste Jon Landau assiste, médusé, à Cambridge, Massachusetts, à un concert de celui qu’on surnommera bientôt The Boss. Celui-ci se produit en première partie de Bonnie Raitt, et la fureur de sa performance met tout le monde d’accord. C’est deux semaines plus tard que Landau publie un article élogieux dans un journal de Boston, The Real Paper, dans lequel il explique que, avec Springsteen, c’est comme s’il écoutait de la musique pour la première fois.
Landau donne dans l’emphase, et a bien calculé son coup, lui qui rêve de percer dans le monde du rock. Son article le met en lumière en même temps que le chanteur, qui a alors à son actif deux albums n’ayant remporté qu’un succès d’estime. Springsteen décide alors, vu que Landau en fait le sauveur du rock, de faire de lui son producteur. L’année suivante, les deux hommes travaillent sur un album, Born to Run, qui verra la carrière du natif de Long Branch, dans le New Jersey, enfin décoller. Landau le produira jusqu’en 1992, année où sortent deux disques, Human Touch et Lucky Town. Il reste associé aux meilleurs enregistrements du Boss, Darkness on the Edge of Town (1978), Nebraska (1982), mais aussi The River, un double album magistral réédité en coffret à l’occasion de son 35e anniversaire.
Chanteur engagé
Lorsqu’il publie en 1980 cette collection de vingt nouveaux titres, dont certains sont issus des sessions de Darkness on the Edge of Town, Springsteen est devenu un chanteur engagé. L’année précédente, il a participé à un concert contre le nucléaire, interprétant la chanson titre The River pour la première fois. Celui qui a souvent été considéré comme la conscience sociale des Etats-Unis, la voix des prolétaires et des laissés-pour-compte, ne cessera dès lors de militer pour ce qu’il pense être des causes justes, comme la non-réélection de George W. Bush en 1994.
The River, pas besoin de le décrire par le menu, est un chef-d’œuvre. Dans le coffret qui lui est consacré, on trouve de nombreuses chutes de studio, comme le très rockabilly Meet Me in the City, le plus blues Paradise by the “C”, ou des titres taillés pour les stades, comme The Man Who Got Away et Where the Bands Are. Ballade folk à la guitare, Mr. Outside préfigure Nebraska. En marge de ces bonus musicaux, un long documentaire sur la création de l’album, une captation d’un concert de 1980 ou encore un livre font de cette édition anniversaire un objet indispensable.
«The Ties That Bind - The River Collection». Coffret 4 CD & 3 DVD. Columbia/Sony Music.