Quel délice de plonger à nouveau dans l’enfer intime de Roland Topor. Voici un riche ouvrage consacré exclusivement à son œuvre d’illustrateur. On y redécouvre que ce Parisien (1938-1997), touche-à-tout de génie, dessinateur, graveur, écrivain, dramaturge, acteur, cinéaste, mais aussi acteur, a beaucoup œuvré pour d’autres écrivains. Il s’est mis au service de ses contemporains, Vian, Aymé ou Ferlinghetti, ainsi que de ses amis Jodorowsky ou Sternberg, pour orner les couvertures et les pages de leurs romans. Mais il a également fait florès avec les classiques: Anna Karénine de Tolstoï, La rôtisserie de la reine Pédauque d’Anatole France, ou l’univers de Gogol, qui lui va comme un gant (Le Revizor et les nouvelles fantastiques, dont le fabuleux Nez)… Lui qui a été le parrain de la galerie Humus, à Lausanne, qui a dessiné pour l’artiste suisse Daniel Spoerri, a aussi travaillé pour Le cercle du bibliophile, à Genève, notamment en illustrant une aventure de Fantômas…
Dans les pages des autres, Topor continue de développer son propre univers graphique, très cohérent. Le Pinocchio de Goldoni, ou les faits divers sordides racontés par Félix Fénéon (Nouvelles en trois lignes), lui permettent de continuer à représenter ce qu’il aime le plus: les corps, déréglés, caricaturaux mais humains, à la fois grand-guignolesques et mélancoliques. Topor a toujours, comme le rappelle Philippe Garnier dans sa préface, «un esprit mal placé» qui fait jaillir l’inconscient. Une énergie «saine et joyeuse», inquiétante et naïve, qui lui venait de la lecture fondatrice de l’«Ubu roi» d’Alfred Jarry, et lui permettait de «continuer à supporter le spectacle affligeant du monde, sans que cela ne dégoûte du monde».
«Topor, voyageur du livre, Volume I, 1960-1980». Les Cahiers dessinés, 398 p.
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