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Adele, une fille toute simple

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Jeudi, 19 Novembre, 2015 - 05:56

Zoom. Quatre ans après le triomphe de «21», la chanteuse britannique publie un nouvel album très attendu. Mais aux charmes convenus, où se louent les vertus de la normalité.

David Brun-Lambert

22 octobre 2015. Adele dévoile le premier extrait de son nouveau disque, 25. En vingt-quatre heures, le clip du single Hello, réalisé par Xavier Dolan, comptabilise 27 millions de vues sur YouTube, quand la plateforme iTunes le déclare bientôt N° 1 dans 73 pays. Ainsi le retour de l’Anglaise est-il d’abord affaire de records. Comment expliquer cet immense engouement? Par les qualités du contralto de Miss Adkins? Ou l’universalité de sa soul pâle? Plus sûrement, par la normalité affichée d’une girl next door en qui chacun peut se reconnaître.

La pop est avant tout affaire de masque. Il n’est pas une idole saisonnière ou durable qui, aujourd’hui comme hier, ne vende avant tout au public un personnage, plutôt qu’un répertoire. En un demi-siècle, de David Bowie à Prince ou Nicki Minaj, la pop a ainsi engendré un paysage peuplé de créatures baroques ou vénusiennes en qui le consommateur est invité à se projeter. En jeu: un grand frisson bon marché par lequel l’industrie du divertissement a durablement assis sa prospérité. Au début des années 2000 pourtant, la machine s’est déréglée. Lassé de figures auxquelles il lui était impossible de s’identifier, le public réclamait à présent des idoles à sa portée. Hier, c’étaient les Spice Girls. Cette fois le white trash Eminem, l’ingénue Duffy ou la street girl Amy Winehouse. Avec eux, une promesse neuve se formulait: «Si ces gosses issus de la classe moyenne avaient touché le succès, quiconque possédant du talent peut y arriver!» Là, alors que la normalité devenait le nouveau «cool», Adele justement apparaissait.

A peine 20 ans, vivant encore chez sa mère, cette beauté banale, un peu boulotte et au look ordinaire, flairait bon l’Angleterre prolétaire. Sauf que la native de Tottenham possédait cette voix brute, black, vintage. Le tube Chasing Pavements hissé au sommet des charts, Adele devenait brusquement la «petite fiancée» du Royaume, sauvant bientôt les comptes de l’industrie discographique en publiant 21, deuxième album gonflé à bloc de tubes instantanés. La pop tenait sa nouvelle icône. Mais une idole toute simple, que ses fans voyaient boire ou fumer à la chaîne, débitant en privé des grossièretés dans un pur accent cockney. Et puis…

Réconciliations

«Maintenant, que faire?» Cette question cruelle est celle qui tarauda l’auteure de Rolling in the Deep quand il lui fallut donner une suite à ses aventures discographiques. En effet, à 27 ans et rangée à la ville, Adele avait déjà tout obtenu: disques vendus par cargos, le titre de membre de l’Empire britannique reçu des mains du prince Charles, ou encore un oscar décroché pour sa participation à la série James Bond dont elle chantait le thème, Skyfall.

Que choisir, alors? «Etre une vieille adolescente ou une adulte à part entière», s’interrogeait-elle ainsi sur son compte Twitter (dont elle dut admettre qu’il était géré par son entourage afin d’éviter ses «dérapages»). Creuser davantage encore la veine blue-eyed-soul qui forgea sa patte musicale, ou se décider pour une direction artistique nouvelle? Une aide s’imposait.

On fit appel à un sorcier: Damon Albarn, cerveau de Blur et Gorillaz. Avec lui, on pensait Adele prête à opérer une mue comparable à celle de la Madonna de Ray of Light (1998). Mais Albarn claqua la porte. Motif? «Elle est encore jeune», jugeait-il. Un camouflet! Des plumes moins farouches furent alors recrutées: Danger Mouse, Bruno Mars ou Max Martin (Katy Perry, etc.) par lesquels l’album 25 arbore ses tics pompiers où introspection et groove se noient dans des orchestrations fates. Est-ce là l’idée que se fait Adele d’être une «adulte à part entière»? Alors que se précisent les termes d’une tournée mondiale 2016, on s’absorbe dans les codes que manipule son nouveau clip: brushing étudié et battu par les vents, manteaux de mémère chic, maquillage sophistiqué un rien vulgaire, gestuelle empesée… Les artefacts d’une «normalité» désormais sous contrôle.

Site officiel: adele.com

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