Il faut bien sûr retourner à Paris. Notamment pour l’inégalable offre culturelle de la ville, cette culture haïe par les forces obscures de Daech. L’exposition Co-Workers, au Musée d’art moderne, est un bon rappel de la fonction de l’art: éclairer par d’autres moyens l’époque dans laquelle nous vivons. En l’occurrence, une période dominée par l’internet et ses infinies possibilités de mise en réseau, y compris celles qui permettent la création de l’art. L’exposition laisse derrière elle le net-art des années 1990 et 2000, qui proposait des œuvres numériques dans le seul espace virtuel. Ici, le postulat est plutôt celui d’une continuité entre l’internet et le monde réel, lequel est de plus en plus riche en objets connectés et intelligents.
Une absence de limite que la vingtaine d’artistes invités, la plupart nés dans les années 80, s’ingénie à matérialiser dans des œuvres en deux dimensions, des installations, des sculptures, des performances, des expériences qui mettent le spectateur à contribution. L’exposition est mise en scène par le collectif new-yorkais DIS, qui a créé un espace de type collectif, à mi-chemin entre le monde du travail et la zone de transit. Des artistes rematérialisent des images qui circulent en masse sur le Net, comme Parker Ito, dont les grands tableaux à reflets multiples jouent sur les notions d’original et de copie, de producteur et de consommateur. D’autres évoquent le travail en commun, celui qui abolit les distances et les distinctions entre lieu privé et lieu public.
Le collectif DIS traite lui-même de l’intelligence ambiante, cette extension de la conscience et de la sensation aux objets connectés, comme un animisme archaïque se réincarnait dans l’internet des objets. La plupart des créateurs signalent la fin des antagonismes réel-virtuel, humanité-animalité, information-voyeurisme, individu-avatar, Orient-Occident au profit de la fluidité numérique et du fonctionnement en réseau. Une exposition aussi troublante que stimulante.
«Co-Workers». Musée d’art moderne de la Ville de Paris.
Jusqu’au 31 janvier.