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Jalil Lespert, de Saint Laurent à Versailles

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Jeudi, 12 Novembre, 2015 - 05:57

Zoom. L’auteur d’un des deux biopics consacrés au célèbre couturier a piloté des épisodes de la nouvelle série de Canal+. Un défi d’envergure, et de costumes.

Nicolas Dufour

Il a gardé la même costumière, Madeline Fontaine. En passant de la réalisation du biopic Yves Saint Laurent à celle de la série Versailles, Jalil Lespert, acteur devenu réalisateur, a voulu travailler avec des proches – il a aussi fait appel aux mêmes personnes pour les décors. Un esprit de troupe qui sert également à se rassurer face au défi: à 27 millions d’euros pour dix épisodes, Versailles constitue un pari coûteux pour la fiction TV française. Canal+ dévoile sa nouvelle série lundi 16 novembre. Lespert en a réalisé les deux premiers chapitres.

Des robes Saint Laurent années 60 aux costumes gorgés de mousseline du XVIIe siècle: Lespert, cinéaste à froufrous? «Il y a un écho… Mais la dimension historique compte davantage que les costumes.» A ses yeux, les deux projets ont un lien: «Que j’aie travaillé sur un film d’époque, même si celle-ci est tout à fait différente, a certainement eu un effet rassurant auprès de Canal+.» Il évoque la quête d’une fidélité historique aussi bien que la recherche d’une juste liberté, une «décontraction», face à l’histoire. «Souvent, le fait de porter un costume pousse les acteurs à se comporter avec raideur. Nous décrivons la cour à ses débuts, Louis XIV a 28 ans, ce sont des personnages très jeunes. Au moment où nous les prenons, ils sont des enfants de riches, presque des parvenus. Nous avons voulu montrer une nonchalance et, par exemple, un relâché dans le port des costumes.» Les coiffures ont aussi leur liberté: foin de perruques poudrées, Versailles montre une élite à cheveux longs et déliés, un Louis et son frère Philippe façon grunge – y compris dans une certaine autodestruction. Lespert confirme: «Nous avons voulu aborder cette période en lui donnant une connotation punk.» C’est le cas, mais heureusement sans outrance. Le propos principal reste la montée en puissance du jeune roi, qui élabore son plan pour mettre à genoux une noblesse devenue trop autonome.

L’acteur Jalil Lespert fait son chemin. Il a été césar du meilleur espoir masculin dès son premier long métrage, Ressources humaines, de Laurent Cantet. Il a porté des rôles parfois aux antipodes humains et moraux, de Sade au Voyage en Arménie en passant par Le promeneur du Champ-de-Mars. Puis il s’est fait réalisateur, dès 2007, avec 24 mesures. Ensuite, Des vents contraires a réuni Audrey Tautou et Benoît Magimel. Puis est survenue l’aventure Yves Saint Laurent. Un film d’étoffes et d’acteurs, avec Pierre Niney en artiste dérivant et Guillaume Gallienne incarnant l’ami et financier Pierre Bergé, lequel a couvé le projet. Dans son déroulement, par-delà la violence de la relation des deux hommes, Lespert a fait montre d’une grande douceur narrative, balancée par les cuivres chaloupants d’Ibrahim Maalouf.

Plus à l’instinct

Avec Versailles, le rythme n’est pas toujours plus serré – la série a ses longs dialogues –, mais la tonalité devient plus rugueuse. Les créateurs et auteurs principaux, les Britanniques Simon Mirren et David Wolstencroft, imposent une certaine idée du classicisme. Le réalisateur s’inscrit dans un contexte fort différent de celui du cinéma. Il reconnaît que «la réalisation est plus conventionnelle, moins personnelle. Mais j’ai le sentiment d’avoir pu travailler de manière plus instinctive.» Il évoque sa fascination pour cette escouade de jeunes acteurs, à commencer par George Blagden en Louis XIV. C’est d’ailleurs dans la distribution, ainsi que dans la direction artistique, qu’il dit avoir eu une marge de manœuvre. Dans cette industrie télévisuelle, il avait «un sillon à creuser».

Lespert ne débarque pas en inconnu sur le petit écran. Acteur, il a fait partie de Pigalle la nuit, série d’Hervé Hadmar et Marc Herpoux qui, en 2009, a noué une sombre chronique du quartier. C’était l’un des premiers pas de la nouvelle génération de séries estampillées Canal+, après Engrenages. Le voici maintenant, par ses détours costumés, pris dans la danse de l’immense Versailles.

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