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Je tue donc je suis

Jeudi, 15 Octobre, 2015 - 05:57

Critique. Après le décevant «Magic in the Moonlight», Woody Allen revient avec un 45e long métrage réussi. «L’homme irrationnel» est une comédie flirtant habilement avec le thriller, aussi drôle que métaphysique.

stéphane gobbo

Woody Allen a ceci de génial qu’à chaque fois qu’on imagine qu’il est en train de s’essouffler, il nous surprend de nouveau avec un film parfaitement rythmé et dialogué, comme il les enchaînait dans les années 70. Alors qu’il s’apprête à fêter ses 80 ans, ce sera pour le 1er décembre, le New-Yorkais nous offre en guise de cadeau automnal un film – L’homme irrationnel, dévoilé ce printemps à Cannes – qui est déjà sa quatrième réussite des années 2010 après Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, Minuit à Paris et Blue Jasmine, pour deux déceptions, To Rome With Love et Magic in the Moonlight. Il retrouve d’ailleurs, pour son 45e long métrage, Emma Stone, qu’il avait dirigée dans ce dernier film.
Passé le plaisir de voir le cinéaste retourner dans les années 20, Magic in the Moonlight tournait à vide, la faute à un scénario qui avait toutes les peines du monde à meubler le temps en attendant la résolution finale. L’homme irrationnel, au contraire, captive de bout en bout. Il y est d’emblée question d’existentialisme, de Kant, de Kierkegaard et du libre arbitre. Du pur Woody, donc. Cet homme irrationnel, c’est Abe Lucas, un charismatique et iconoclaste professeur de philosophie joué avec gourmandise par un Joaquin Phoenix en grande forme, visiblement heureux d’avoir été appelé par un cinéaste dont l’âge oblige à penser – pensée par ailleurs déplaisante – qu’il est plus proche de la fin que du début. Abe Lucas, donc, est charismatique. Depuis son divorce et la mort de son meilleur ami, il traîne sa carcasse comme une âme en peine, ce qui va immédiatement lui attirer les faveurs d’une collègue et d’une de ses étudiantes.
Rire de la mort
Mais pourquoi donc serait-il irrationnel? Parce qu’il se dit que se lancer dans une double liaison pourrait apaiser son spleen? Non, plutôt parce qu’il estime que, pour être pleinement un être humain, il faut faire l’expérience de tuer un de ses semblables. Et comme l’occasion fait le larron, le voici qui fomente un plan après avoir entendu parler d’un juge pourri que personne ne regretterait s’il venait à trépasser.
Ce petit twist scénaristique permet alors au film de passer d’une sympathique comédie psychologique à un thriller métaphysique où la froideur du propos est constamment contrebalancée par la légèreté tout «allenienne» avec laquelle le récit est traité. «J’aurais vraiment voulu être un cinéaste sérieux, comme Ingmar Bergman, mais il se trouve que mon don, c’est d’être comique, et qu’on me donne de l’argent pour cela», relevait le cinéaste, fataliste et facétieux à la fois, en conférence de presse à Cannes. Lui qui s’est toujours dit terrorisé par la mort arrive ainsi magnifiquement, dans L’homme irrationnel, à en rire. Et c’est lorsqu’il rit de choses sérieuses qu’il est le plus à son affaire.

«L’homme irrationnel». De Woody Allen. Avec Joaquin Phoenix, Emma Stone et Parker Posey. Etats-Unis, 1 h 36.

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