Evénement. Vingt-cinq ans après son premier passage en Suisse, le groupe anglais Ride, fraîchement reformé, s’arrête au For Noise Festival de Pully.
Il y a tout juste une année, on se réjouissait du retour scénique de Slowdive. On soulignait alors l’importance des Anglais au sein de la scène shoegaze du tournant des années 80, laquelle avait comme figures tutélaires des groupes comme My Bloody Valentine et Ride.
Or voici que ce dernier vient de se reformer pour une tournée mondiale entamée fin avril et qui passe cette semaine, en exclusivité suisse, par Pully.
Shoegaze, donc, ou comment des musiciens se sont mis à fixer le sol et leurs pédales à effets plutôt que le public. Ce néologisme – littéralement «regarder ses chaussures» – inventé par la presse britannique est né peu après la sortie en 1988 du premier album de My Bloody Valentine.
Guitares saturées, mélodies psychédéliques, voix évanescentes, une nouvelle génération mettait alors fin à une décennie de domination new wave et gothique avec une pop dynamitant la sacro-sainte équation couplet/refrain/couplet.
On parlera également de noisy pop pour qualifier la musique de cette tribu qui comptait encore parmi ses membres les Pale Saints, Swervedriver ou Catherine Wheel.
Formé en 1988 à Oxford par Mark Gardener et Andy Bell, deux étudiants en arts bien propres sur eux, Ride se fait rapidement un nom en se produisant sur les campus. Patron visionnaire du label Creation Records, Alan McGee est le premier séduit et signe le quatuor – guitaristes et chanteurs, Gardener et Bell sont épaulés par le batteur Laurence Colbert et le bassiste Steve Queralt – en même temps que Slowdive. Possédant déjà dans son écurie My Bloody Valentine, il se pose en gourou du shoegaze comme plus tard il deviendra le grand patron de la britpop lorsqu’il repérera avant tout le monde un obscur groupe composé de prolos mancuniens: Oasis.
Disque fondateur
En janvier 1990, Ride publie un premier EP quatre titres sur lequel figure Chelsea Girl, un morceau court et rentre-dedans sur lequel basse et guitares fusionnent pour ne faire qu’un, d’où cette impression de mur du son hypnotique qui fera également le succès de son deuxième EP puis de l’album Nowhere, qui sort en octobre de la même année.
Un mois plus tard, la première grande tournée des Anglais passe par l’Usine de Genève et la Dolce Vita de Lausanne. Ceux-ci jouent fort, regardent leurs pédales mais finalement pas tant que ça, et donnent l’impression d’inventer quelque chose d’inédit, comme si le psychédélisme de Pink Floyd rencontrait la noirceur de The Jesus and Mary Chain, deux formations que Gardener et Bell ont forcément écoutées.
Un quart de siècle après sa sortie, Nowhere reste un disque fondateur d’une incroyable puissance, là où de nombreux enregistrements commercialisés à la même époque sont datés. Le premier album de Ride s’écoute en 2015 sans nostalgie aucune, peut-être parce que si pléthore de musiciens tenteront ensuite d’en reproduire la formule, aucun n’arrivera à égaler la façon qu’il a d’être à la fois bruitiste et mélodique. Et qu’on ne s’y trompe pas, il n’est ni arty ni cérébral, simplement organique et hypnotique.
Rallumer la flamme
Discret changement de cap en 1992 avec Going Blank Again, deuxième disque qui, après les huit minutes de Leave Them All Behind, morceau introductif qui pourrait servir d’hymne shoegaze tant il résume à lui seul l’éphémère mouvement, propose quelques titres plus pop.
On pense alors que Ride va devenir «le» groupe des années 90, mais c’était compter sans la déferlante britpop et le succès de Blur, Suede, puis Oasis. Il se murmure alors que Bell et Gardener ont des ego guère compatibles, ce qui ne les empêche pas de tenter de rallumer la flamme en 1994 avec Carnival of Light, un album guère enthousiasmant qui voudrait sonner comme un revival seventies, puis deux ans plus tard avec le poussif Tarantula, sorti alors que la dissolution du groupe est déjà consommée.
Bell sera alors le seul de la bande à réussir une carrière, non pas en solo mais en tant que bassiste d’Oasis puis de Beady Eye. C’est d’ailleurs probablement l’implosion l’an dernier de la formation menée par Liam Gallagher sans son frère Noel qui a précipité les retrouvailles de Ride. A l’heure où de nombreux jeunes groupes, notamment aux Etats-Unis, se réclament du shoegaze, le retour des Anglais est l’un des grands événements de l’été.