Zoom.«La ruée vers l’or» de Chaplin aussi bien que «Le long dîner de Noël» de Paul Hindemith, évocation de pionniers américains donnée en création suisse: les concerts de Cernier partent de nouveau à l’aventure.
Le programme des Jardins musicaux est une nouvelle fois tout éclaboussé de formes et de couleurs, celles d’œuvres issues de la Collection de l’art brut de Lausanne que les fondateurs et directeurs artistiques du festival choisissent avec soin et pertinence: «L’illustration est un premier point de vue, une première mise en scène de ce que le public va entendre, souligne Valentin Reymond, et cette manière d’accéder à la musique n’est pas anodine.» Ainsi Le long dîner de Noël de Paul Hindemith, sur un livret de Thornton Wilder, se retrouve associé à un dessin d’August Walla, Alle heiligen Götter, croquant avec moult détails divers saints et Rois mages, entre fantaisie et symbolique.
Pour l’heure, en prévision de sa création suisse, les protagonistes de l’Opéra décentralisé, parmi lesquels Jeannette Fischer, Carine Séchaye et Stuart Patterson, répètent et mettent en place le virtuose et redoutable sextuor vocal, nourri de toute l’histoire du lyrique classique germanique, de ce Long dîner de Noël, ultime opéra de Hindemith datant de 1960. Pas si long en réalité. Une heure de spectacle – la norme en vigueur sur les hauteurs de Cernier puisque l’objectif avoué des organisateurs est de donner l’envie et la possibilité à chacun de prendre place dans la Grange aux concerts pour découvrir des répertoires originaux. Autre critère à remplir: l’œuvre doit allier rareté et bienfacture, impact expressif, visuel, sensoriel. Le long dîner… possède en outre une dramaturgie que Valentin Reymond décrit avec feu: «L’opéra retrace et condense avec un art consommé de l’ellipse les dîners de Noël vécus par quatre générations de pionniers de l’Ouest américain. C’est la saga d’une grande famille qui nous fait passer du rire aux larmes en une seconde. Le recours à l’ellipse a assurément déstabilisé le public de l’époque, ce qui expliquerait que cette comédie soit tombée dans l’oubli, mais elle colle complètement à notre culture visuelle et cinématographique d’aujourd’hui!»
Une aventure incroyable
L’Orchestre des Jardins musicaux aura fort à faire cette année. Outre Hindemith et l’accompagnement des films de Chaplin (La ruée vers l’or et The Kid), il accompagnera une autre aventure incroyable mais vraie, celle du Pont de la rivière argentée de Robert Zuidam, œuvre terminée en 2001 et qui s’est inspirée de vieux poèmes de l’Ecossais William McGonagall: d’une part une ode magnifiant l’inauguration du New Tay Bridge, pont ferroviaire «le plus long du monde» (3,5 km) entre Dundee et Edimbourg, et d’autre part, écrit juste un an après, en 1879, le Tay Bridge Desaster, poème évoquant l’effondrement de ce même pont en pleine tempête et, avec lui, la mort de dizaines de voyageurs.
Les Kafka-Fragmente de György Kurtág sont également présents aux Jardins musicaux, avec notamment la violoniste Nurit Stark, mais aussi des œuvres de John Zorn données par le Jack Quartett, les Sonates et interludes pour piano préparé de John Cage, une soirée Strauss, Schnabel et Schoenberg partagée par le Sine Nomine et Philippe Huttenlocher… Sans oublier le concert d’ouverture de l’Orchestre et ensemble de percussions de la Haute école de Genève interprétant les Intégrales et Ecuatorial de Varèse. La sécheresse n’a pas laissé de traces sur ces Jardins 2015, plus fertiles que jamais!
Cernier, la Grange aux concerts et autres lieux. Du ve 14 août au di 30 août. www.jardinsmusicaux.ch