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Meapasculpa: Le Petit Prince gnangnan

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Jeudi, 30 Juillet, 2015 - 05:57

à 6, 8 ans, il y a des mots qu’on n’ose pas prononcer à voix haute. Des mots dits «gros», si gros qu’ils ne passent pas à travers les lèvres. Vous voyez très bien desquels je parle. C’est pareil avec Le Petit Prince, dont l’adaptation en images inonde les salles de cinéma. Certains mots qu’on accole au Petit Prince ont tout de suite l’air de gros mots. Si je dis «surestimé» ou «ennuyeux», je m’attends illico à recevoir les cent coups de fouet dont est passible ce sacrilège dans la dictature de la pensée qui a intronisé le livre de Saint-Exupéry chef-d’œuvre absolu de la littérature française, mondiale et cosmique.

Or, Le Petit Prince est un livre surestimé, un summum de la gnangnanterie ennuyeux et niais. Sa chance? Etre paru juste après-guerre, au moment où le monde, croyant que Dieu l’avait abandonné, cherchait un Evangile de remplacement pour distribuer des tickets aller simple pour la sagesse éternelle.

Année après année depuis un demi-siècle, il figure en tête ou presque, à peine momentanément détrôné par J. K. Rowling, des classements des livres préférés des lecteurs. Mais qui le lit vraiment? Comme les femmes qui répondent «Vuitton» à la question «Quelle est votre marque de sacs préférée?» simplement parce qu’elles rêvent de posséder un sac Vuitton mais n’en ont pas un seul dans leur armoire, le public, à la manière d’un 33 tours rayé, se range à l’avis du plus grand nombre avec la passivité du mouton de la fable. 

Ce consensus grossier se répète de génération en génération, chacun parant le texte de pouvoirs magiques alors qu’il n’est qu’un rebut enfantin consistant à remplacer «mouton» par «amitié», «serpent» par «mort», «fleur» par «amour» ou «femme», «baobab» par «conflit», «renard» par «sagesse». Ça être métaphores! Toi comprendre?

A la fin, on obtient une philosophie de comptoir qui assène des messages aussi révolutionnaires que l’être vaut mieux que le paraître, les apparences ne sont pas tout et l’argent ne fait pas le bonheur.

En philosophe en chef, un gamin tête à claques, narcissique et dépressif, que l’on ne remerciera jamais assez d’avoir lancé la grande mode de l’enfant intérieur. Au rayon développement personnel des librairies, chez les psys, c’est l’épidémie. Mal au ventre? Retrouve ton enfant intérieur. Mal aux dents? Laisse parler l’enfant qui est en toi. Un enfant, c’est tellement mieux qu’un adulte – pur, jamais menteur, innocent, la bonté incarnée. Toutes les cours de récréation et les Outreau du monde en sont les témoins chaque jour. D’ailleurs, tout le monde veut se faire Le Petit Prince: le cinéma, l’opéra, la bande dessinée, les fabricants de peluches et de bavoirs pour bébé. Pour cette vaste partouze commerciale, je propose d’inventer le crime de pédophilie émotionnelle. Cent coups de fouet, cent.

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