Il est des montres dont on oublie souvent de dire combien elles bouleversent des codes que l’on croyait établis. Combien elles questionnent non pas notre rapport à l’horlogerie, art de l’hyperprécision mécanique, mais notre lien au temps, un mot, un concept plus élastique et relatif qu’il n’y paraît. Ne dit-on pas du reste que le temps presse, s’envole, file, s’écoule, se perd, se gagne et que, souvent, surtout, il nous manque.
Parmi ces créations, il y a par exemple, lancée en 2003, la Crazy Hours de Franck Muller avec ses cadrans aux index des heures totalement mélangés. Si le nom de la collection décrit bien son look, sa portée philosophique, elle, est plus mystérieuse. Malgré son allure décalée et onirique, la mesure et la lecture du temps n’y sont en effet pas perturbées. Grâce à un mécanisme d’heures sautantes, l’aiguille des heures passe de manière toujours adéquate d’un chiffre à l’autre, tandis que, plus traditionnelle, l’aiguille des minutes continue, imperturbable, sa course circulaire autour du cadran.
Affichage ludique et décalé? Oui. Mais aussi révolutionnaire, puisque bouleversant les usages, les traditions, les codes et les règles; il remet en cause un ordre établi, hérité de la rotation de la Terre autour du Soleil. Dans la même veine, citons également ici, toujours chez Franck Muller, la collection Secret Hours (bloquées à midi, les aiguilles des H et M n’affichent le temps que sur demande). A mentionner aussi, chez Hermès, les six modèles Cape Cod H1 Grandes Heures (l’aiguille des H y avance plus ou moins vite sur certains secteurs des cadrans) ou encore les deux Arceaux Temps Suspendu (un poussoir permet d’en figer ou d’en libérer les aiguilles des H/M) avec date rétrograde escamotable pour l’un, trotteuse tournant à contresens sur 24 secondes pour l’autre.