Concerts. Caetano Veloso et Gilberto Gil un soir, Chick Corea et Herbie Hancock le lendemain: deux pianos et deux guitares pour deux concerts parmi les plus attendus de la quinzaine.
Tiens, encore les mêmes. Chaque printemps, au moment où le Montreux Jazz dévoile sa programmation, d’aucuns raillent le retour de ceux qu’on appelle les habitués. Mais c’est oublier que ceux-ci participent à la légende du festival. Qui, aujourd’hui, oserait par exemple reprocher à la manifestation lémanique d’avoir accueilli huit fois le grand Miles Davis?
Cet été, on note la présence, parmi les habitués, des pianistes Herbie Hancock et Chick Corea. Les Américains, encore, mais ensemble! La dernière fois qu’ils ont fait scène commune à Montreux, c’était en 1979, un an après la sortie d’An Evening with Herbie Hancock and Chick Corea in Concert, un live qui les voyait renouer avec l’acoustique après avoir tous deux participé à l’essor de la fusion, le premier au sein des Headhunters, le second avec Return To Forever.
Chercheurs et expérimentateurs
Nés en 1940 et 1941, Hancock et Corea ont traversé les grandes décennies du jazz, ont exploré, après avoir tous deux accompagné Miles, de nombreux courants, du be-bop au hard-bop, avec des détours par le funk pour Herbie et les musiques du monde pour Chick. Leurs retrouvailles sont forcément excitantes. Face à face, les pianistes vont dialoguer, s’affronter, improviser peut-être. On peut espérer beaucoup de tension, des envolées mélodiques et des moments plus dissonants. Alerte et expressif, le phrasé de ces virtuoses a en commun le désir constant de sortir de ces zones de confort qui handicapent tant de musiciens. Chercheurs et expérimentateurs, Hancock et Corea le sont assurément. Mais l’exercice du quatre-mains est toujours casse-gueule, le risque que la magie n’opère pas existe. Tant mieux: c’est parce qu’il n’est jamais figé que le jazz est si inspirant.
La veille du retour des Américains à l’Auditorium Stravinski, deux autres habitués du Montreux Jazz feront eux aussi scène commune. Voilà une vingtaine d’années que Caetano Veloso et Gilberto Gil n’étaient pas partis en tournée ensemble. Or, plus encore que ceux de Hancock et Corea, les destins de ces deux Brésiliens nés en 1942 à moins de deux mois d’intervalle sont intimement liés.
Musique contestataire
Originaires de l’Etat de Bahia, Veloso et Gil lancent en 1967 un mouvement, le tropicalisme, qui reprend les fondements de la bossa-nova mais lui donne un souffle nouveau en la confrontant à des sonorités venues de la pop et du jazz. Trois ans après le coup d’Etat militaire marquant le début de vingt ans de dictature, le tropicalisme deviendra une arme de contestation, au point que les deux musiciens seront arrêtés et emprisonnés, avant de se résoudre à vivre en exil. Leur retour au pays sera triomphal, Gil se lançant même dans la politique à la fin des années 80, avant de devenir ministre de la Culture entre 2003 et 2008.
A Montreux, celui qui a toujours revendiqué ses racines africaines offrira avec Veloso un concert à deux guitares où, au contraire du duel Hancock-Corea, puisque le jazz aime autant les confrontations que la complicité, il sera surtout question de partage. Les Brésiliens reprendront des titres de leurs deux répertoires, l’un laissant parfois la scène à l’autre même si, le plus souvent, ils joueront ensemble. Lorsque leurs deux voix s’entremêleront, on touchera au sublime, forcément. Près de soixante ans de musique brésilienne en une soirée, la proposition ne se refuse pas.
Caetano Veloso et Gilberto Gil, mercredi 15 juillet à l’Auditorium Stravinski, avec Maria Gadú. Chick Corea et Herbie Hancock, jeudi 16 juillet à l’Auditorium Stravinski, avec Jacob Collier et Melody Gardot.
