Biopic. Dans «La femme au tableau», Simon Curtis raconte l’histoire de Maria Altmann, une Autrichienne qui s’est battue pour récupérer une œuvre confisquée à sa famille par les nazis.
Quelque 100 000 œuvres d’art volées par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale n’ont pas encore été restituées à leurs propriétaires. Une information qui conclut La femme au tableau. Ce film retrace le bras de fer qui opposa, entre 1998 et 2006, Maria Altmann au musée du Palais du Belvédère, à Vienne, et plus largement au gouvernement autrichien. Vaste thème que celui de l’art spolié, qui, au-delà de ces implications financières, réveille souvent de douloureux traumas, comme le montre ce long métrage que Simon Curtis a décidé de réaliser après avoir découvert un documentaire de la BBC consacré à Maria Altmann.
Aujourd’hui exposé à New York, le Portrait d’Adele Bloch-Bauer, peint par Gustav Klimt en 1907, aura permis à tout un pays de se confronter à son passé, d’admettre qu’après le choc de l’Anschluss de 1938, de nombreux Autrichiens collaborèrent avec le IIIe Reich. Ce discours autour du devoir de mémoire est au cœur de La femme au tableau. Lorsque Maria Altmann se rend avec son avocat en Autriche, celui-ci est soudain accablé par le poids de l’histoire lorsqu’il découvre un mémorial érigé en hommage aux victimes du nazisme. Il s’appelle Randol Schoenberg, et celle qui a fui son pays avec son mari en 1942 ne l’a pas choisi au hasard: elle savait ce qu’il allait ressentir. Car ce Schoenberg-là n’est autre que le petit-fils du célèbre compositeur autrichien, classé par l’envahisseur allemand parmi les tenants de l’«art dégénéré». Attiré d’abord par les millions que vaut la toile de Klimt, Randol comprend, au moment où il foule la terre de ses ancêtres, que l’enjeu est ailleurs. Qu’au-delà de la récupération d’œuvres qui appartenaient à la famille de Maria Altmann avant d’être confisquées, ce sont des questions morales qui sous-tendent toute cette affaire.
L’histoire est forte, le film malheureusement beaucoup moins. Quatre ans après avoir raconté dans My Week with Marilyn le séjour anglais de Miss Monroe, venue tourner à Londres Le prince et la danseuse, sous la direction de Laurence Olivier, il s’attaque à un autre biopic sans véritablement tenter de transcender son sujet. La mise en scène est scolaire, d’autant plus qu’il reconstitue ici le Vienne des années 40 pour raconter en flash-back l’histoire de la jeune Maria et de sa famille. Les allers et retours temporels qu’il opère sont lourdement illustratifs, sans parler d’une musique destinée à surligner chaque émotion.
Film de procès
Dans My Week with Marilyn, Curtis arrivait néanmoins in fine à séduire grâce à sa volonté de montrer l’actrice comme une petite fille un peu perdue. Ici, il filme une vieille femme bien décidée à prouver qu’en refusant de lui restituer le portrait de sa tante qu’avait réalisé Klimt avant que l’Europe ne sombre dans le chaos, l’Autriche refuse en quelque sorte d’affronter les fantômes du passé et de reconnaître que l’occu-pation allemande profita à certains. Incarné par une Helen Mirren toujours excellente lorsqu’elle campe des femmes volontaristes et autoritaires, le personnage de Maria Altmann porte à lui seul le récit.
Agaçant lorsqu’il met en place un suspense factice au moment où il montre la fuite de l’Autrichienne, dont on sait qu’elle réussira, Curtis parvient à rendre La femme au tableau plus intéressant lorsqu’il joue avec les codes du film de procès. Or, il écourte ces séquences, comme s’il craignait d’ennuyer. Frustrant. Car c’est lorsqu’il parle d’art spolié et met sur la table des questions juridiques et éthiques que le film est le plus intéressant.
«La femme au tableau». De Simon Curtis. Avec Helen Mirren, Ryan Reynolds et Daniel Brühl. GB/USA, 1 h 50. Sortie le 15 juillet.