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Littérature: Vénus Khoury-Ghata retient ses morts

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Jeudi, 25 Juin, 2015 - 05:55

Une femme rentre du crématorium du Père-Lachaise, achète des fruits avenue Parmentier et se met à faire des confitures dans sa cuisine. Le défunt est partout, même réduit en cendres. Dans la chambre, au salon, derrière elle.

Lui, c’était son dernier compagnon, celui qui voulait mourir chez elle, qui a élevé sa fille et caressé ses chattes persanes. Avant sa mort à lui, il y a eu celle du père de son enfant, Jean Ghata, biologiste renommé, parti en lui laissant une fillette de 6 ans.

Entre les deux, celle de son frère, mort dans un asile de fous alors qu’il ne l’était pas, poète contrarié et blessé qui a poussé Vénus dans les bras de la littérature. A chaque fois qu’un homme est mort autour d’elle, Vénus en est presque morte aussi, dans une tentative vaine de les rejoindre.

Née au Liban en 1937 dans une famille catholique, élue Miss Beyrouth à 22 ans, publiée depuis, en 1966 à Beyrouth avec un premier recueil de poèmes, puis chez Seghers à Paris en 1968, poétesse, romancière, critique littéraire, mamma attentive de toute une génération de jeunes poètes francophones, Vénus Khoury-Ghata est sans doute la personnalité littéraire la plus glamour, tragique et attachante de la francophonie actuelle.

Sa langue unique, musicale et caressante, voyante, nécessaire et vibrante, crée un pont unique entre Orient et Occident.

Dans ce beau texte extrêmement intime, l’auteure tutoie le personnage principal, une dame en noir inconsolable, qui laisse son esprit vagabonder d’un mort à l’autre, d’un fantôme à l’autre, du présent aux passés chagrinés.

Elle se demande si «le jeune mort devenu un biologiste renommé et le vieux mort qui avait quitté la France pour faire fortune outre-Atlantique» se sont «croisés dans l’au-delà», tente de maîtriser la panique qui la prend dans la solitude nouvelle de l’appartement, relit sa propre histoire à la lumière de ces deuils successifs.

Criant sa rage d’avoir enterré père, mère, frère et maris dans des tombes différentes et lointaines, elle se sauve en s’obligeant à écrire un poème par jour. Une leçon de vie, une élégie universelle. 

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Catherine Hélie
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