Heureuses initiatives: le Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne propose de temps à autre des expositions d’artistes contemporains de stature internationale, mais qui restent peu connus en Suisse romande. C’est le tour du Franco-Algérien Kader Attia, dont les allers-retours dans les cultures et l’histoire offrent une troublante matière à réflexion.
Par l’image, l’installation ou la sculpture, l’artiste tire parti comme tant d’autres de la mémoire et de l’archive, mais par entrechoquements subtils de signes, de sens et de figures. Sa grande affaire est la réparation, celle qui cautérise ou demande justice pour les plus faibles.
C’est le cri silencieux de sa foule de portes surmontées de mégaphones, les gueules cassées par les obus de la Grande Guerre, l’art africain pillé par les colons et les religieux, la fragile architecture vernaculaire ou les transsexuels en quête de reconnaissance.
Kader Attia est au meilleur lorsqu’il établit des correspondances entre les blessures de l’Afrique et de l’Europe, en montrant la complexité des influences culturelles. Il est en revanche plus lourd en nous rappelant que la presse coloniale des années 1900 était raciste (pas vraiment un scoop) et que les médias le sont encore, racistes, en stigmatisant de nouveau l’islam et sa figure menaçante de l’Arabe fourbe et sanglant.
Inégale, l’exposition se termine de merveilleuse manière par un documentaire de la BBC sur l’oiseau-lyre du bush, capable d’imiter le bruit de la tronçonneuse, de l’appareil photo ou des alarmes de voitures. Un oiseau-lyre qui se réapproprie le vacarme de la modernité, celle qui détruit tout ce qu’elle touche: la métaphore parfaite de l’artiste.
