Rencontre. Jean-Christophe de Vries, le jeune directeur de ce festival vaudois inventif, manie exigence et simplicité avec la même aisance. Fête et hospitalité au rendez-vous de cette 12e édition.
Joli paradoxe. Alors que la musique de chambre traîne la réputation d’être sérieuse, aride et élitaire, le Cully Classique s’en est emparé dès ses débuts avec une joyeuse gourmandise et la programme. Elle, exclusivement. Musique de chambre classique, certes, mais aussi, dans le cadre du festival off, manouche, jazz, balkanique, folk… Autant de concerts sous le signe de l’intime et du partage, sans chef ni filet.
Cofondateur, à l’âge de 20 ans, du Cully Classique, Jean-Christophe de Vries en est entre-temps devenu le directeur et il perpétue l’esprit vivifiant de ce joli paradoxe. «Notre raison d’être a toujours été de décloisonner la musique, sans la travestir ni la trahir, de proposer des contenus exigeants dans une atmosphère conviviale.» Complice des interprètes qu’il invite, connus ou moins connus, le directeur concocte les nombreux concerts quotidiens avec sérieux (respect des œuvres, des artistes, du public), mais s’empresse de casser le moule avant que celui-ci ne devienne rigide: «Les artistes et le public ont droit à une atmosphère de réelle écoute et de proximité durant les concerts. En revanche, avant, après, autour, la vie et la convivialité reprennent leurs droits!»
A Cully, tout un chacun se retrouve dans les caveaux, dans des guinguettes et sur des pelouses au bord du Léman, dans les ruelles du bourg et dans les différents lieux de concerts et de répétitions. «Les interprètes vous serviront le café du matin lors des P’tits-déj avec…» sourit Jean-Christophe de Vries. Les mondanités ne sont pas de mise. Contrairement aux festivals animant les stations touristiques, le Cully Classique, comme son grand frère jazz, s’adresse en priorité à des gens qui vivent là toute l’année et n’hésitent pas à ouvrir leurs portes (pas moins de 600 nuitées assurées cette année), ainsi qu’aux étudiants des hautes écoles de musique intégrés à la programmation. «La population est marquée par la culture des vignerons, leur savoir-faire, leur savoir-vivre. Cet endroit possède incontestablement dans son ADN le sens de l’hospitalité et de la fête!» se réjouit Jean-Christophe de Vries, qui n’imagine pas une intégration aussi réussie ailleurs.
Une exigence de qualité
Interrogé sur son propre parcours, le directeur, Lausannois pure souche, mentionne ses études de piano, de musicologie, et surtout un job d’été durant huit ans au Verbier Festival où il accueillait les artistes de la série des concerts à l’église. «J’ai énormément observé et appris. Verbier, magnifique réussite au demeurant, a été pour moi une sorte d’anti-modèle, je pense d’abord à la programmation et à la qualité des lieux mais, en fin de compte, nos deux manifestations ont plusieurs points communs!» La présence de grands interprètes, par exemple, parmi lesquels, vu le fil rouge pianistique de cette édition, Piotr Anderszewski, Marielle et Katia Labèque, Marc-André Hamelin, Nikolaï Lugansky ou Alexandre Tharaud, qui viennent «par confiance et amitié dans notre petit temple de 300 places… ce qui parfois agace d’autres organisateurs», relève Jean-Christophe de Vries. Il admet n’être peut-être pas le plus aimé dans la profession: «Je n’entre pas dans les circuits. Totalement indépendant, j’invite les artistes que j’aime et dont les défis m’intéressent.»
Son coup de cœur 2015? La série des concerts nocturnes éclairés aux chandelles. «Il a fallu convaincre les artistes… Mais ces moments sont exceptionnels de proximité, de densité. C’est comme regarder Evian – depuis Cully – quand il y a de l’humidité dans l’air: l’autre rive semble tellement plus proche…» Effet de loupe plutôt que puissants projecteurs.
Cully, temple, salle Davel et autres lieux. Du ve 19 au di 28 juin. Rens. 021 312 15 35 ou www.cullyclassique.ch
