Quantcast
Channel: L'Hebdo - Culture
Viewing all articles
Browse latest Browse all 4553

Littérature: Sacha Després, la vie d’artiste

$
0
0
Jeudi, 28 Mai, 2015 - 05:57

Portrait. La Lausannoise publie «La petite galère» et expose solo pour la première fois, à Orbe. La belle rebelle a voulu être artiste et l’est devenue.

Ah, Sacha. Longs cheveux, longues mains, longs cils, longues jambes. Sacha Després, c’est un corps, d’abord. Une crinière qui s’ébroue, des yeux qui scrutent leur interlocuteur, des bras qui dansent avec les pinceaux.

S’il est son meilleur ambassadeur, ce physique de rêve ne doit pas faire écran à l’artiste que Sacha Després, 34 ans, peintre exposée pour la première fois solo à la Galerie Zwahlen, à Orbe, auteure d’un épatant premier roman aux Editions L’Age d’Homme, est avant tout.

Avant tout, et depuis toujours. Elle a 7 ans lorsque sa mère est convoquée à l’école sous le prétexte que sa fille dessine des femmes nues. Elle ne cherche pas à choquer. «J’avais l’œil éduqué à la peinture. J’allais au musée, ma famille dessinait…» Sa grand-mère, son arrière-grand-mère pratiquaient crayons et fusains.

C’est aussi à 16 ans déjà qu’elle a écrit la première phrase – «Au royaume du béton, la Prairie suffoque» – de ce qui, quinze ans plus tard, est devenu La petite galère, détournement mordant d’une Petite maison dans la prairie transformée en nid de névroses de banlieue dépressives et incestueuses sur fond de mâles absents ou violents.

La banlieue, elle connaît. A la séparation de ses parents, elle vit avec sa mère et sa demi-sœur dans une cité nouvelle des Yvelines, de celles qui «bouffent de l’intérieur». A 19 ans, elle s’installe seule à Nice: une renaissance.

Après un passage dans une école préparatoire aux Beaux-Arts, elle bifurque dans une filière écriture et communication à l’université. Elle envisage l’enseignement, anime des ateliers de lecture dans des zones urbaines sensibles, se décourage face aux «carences terribles» des familles.

Elle arrive en Suisse en 2008 pour suivre son compagnon d’alors, travaille dans la vente et la représentation pour une multinationale, dégage enfin du temps pour peindre sérieusement.

En 2013, la photo d’une de ses toiles figurant à l’arrière-plan d’un portrait de son compagnon d’aujourd’hui, Antoine Jaquier, animateur socioculturel dans la région lausannoise et auteur, en 2013, d’un remarqué Ils sont tous morts, lui ouvre les portes d’une exposition collective à la galerie morgienne Midnight Sun.

«Cela a agi comme un révélateur. Peindre, écrire, le sens de ma vie était là. Enfant, je m’interdisais de rêver. J’ai réappris en créant. Etre artiste, quel bien ça me fait! Moi qui me suis toujours sentie spectatrice du monde, je peux désormais être à la fois dehors et dedans.»

Père, mère, art

Des pages aux toiles, Sacha affiche une belle cohérence, explorant les rapports hommes-femmes, la sexualité, l’animalité latente en chacun de nous, la violence jamais loin du désir. Elle vient de troquer son boulot alimentaire contre une mission stimulante d’attachée de presse et assistante éditoriale pour sa propre éditrice, Andonia Dimitrijevic, patronne de L’Age d’Homme, maison d’édition autant que famille artistique rassembleuse.

Au contact d’Andonia – «petit bout de femme qui allie douceur et poigne» –, Sacha est désormais végétalienne. «De quoi veut-on se nourrir? C’est la question, au propre et au figuré, fondamentale de notre société.

Elle va de pair avec une réflexion sur la transmission, l’écologie, l’économie, la politique.» Son deuxième livre, en cours d’écriture, inspiré de La route, de Cormac McCarthy, imagine d’ailleurs comment une société se recompose après une période de cannibalisme.

Loin en Bretagne, sa mère a pleuré de fierté en lisant La petite galère. «Heureusement, elle a compris que c’était un roman.» Sacha a renoué avec son père, qui lui a donné quatre demi-frères et sœurs.

Elle a d’ailleurs retrouvé il y a peu une pile de dessins à l’encre de Chine datant de la jeunesse de son père, qui n’a pas persévéré mais fait carrière dans le dessin industriel. «A 30 ans, je me suis demandé ce que je ferais dans ma vie si j’étais moins con. Je me suis dit que je prendrais mon père dans les bras.» Ce qu’elle a fait.

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Lea Kloos
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination visible
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Viewing all articles
Browse latest Browse all 4553

Trending Articles