Etre à l’affût, viser, shooter, capturer sur un support photosensible… bien sûr que le photographe est un chasseur attentif à sa proie. Le Genevois Pierre Abensur pousse à bout la comparaison dans sa série Trophées subjectifs.
Réalisés dans le monde entier, les portraits montrent des chasseurs en costume de ville ou traditionnel posant à côté de leur proie naturalisée. Ce protocole de prise de vue met de la distance entre les trois éléments de cette petite dramaturgie: le prédateur, l’animal et le territoire. L’humain bien habillé détonne dans le paysage sauvage, comme la proie empaillée est incongrue dans le même environnement.
En ramenant sa victime sur les lieux du crime, le chasseur lui rend hommage tout en lui prouvant une fois de plus sa supériorité. Voici Olivier le Valaisan avec son bouquetin, André le Burkinabé et son hippopotame, Pierre-Edouard le Français avec son mouflon, Heikki le Finlandais avec son lynx, Osvaldo l’Argentin avec son puma, Buree le Mongol avec son loup.
Ces mises en scène cynégétiques n’auraient pu trouver un écrin plus approprié: elles sont exposées au Musée de la chasse et de la nature dans le Marais à Paris. Un vieil hôtel particulier transformé en temple baroque de la chevrotine, empli jusqu’à la garde d’armes, de bêtes naturalisées, d’œuvres d’art, le tout sous la gouvernance de Diane chasseresse.
Du coup, les impeccables portraits à la chambre photographique 4x5 de Pierre Abensur n’en prennent que plus de relief, d’inquiétante étrangeté et d’ironie.
