Come-back. Trente ans après une trilogie restée culte, l’Australien George Miller réactive son héros. Tom Hardy remplace Mel Gibson dans un film épuisant qui fait l’événement à Cannes.
Il y a eu des films postapocalyptiques avant Mad Max, comme il y en a eu après. Mais la trilogie réalisée par George Miller entre 1979 et 1985, culte dès la sortie du premier épisode, a posé des jalons, s’est imposée comme une référence incontournable pour ce sous-genre fertile du cinéma de science-fiction.
Après une quinzaine d’années de gestation, d’annonces de tournage puis de reports, l’Australien a enfin réussi à ajouter une quatrième tourelle à son imposant édifice. L’attente était grande, la déception l’est tout autant. Car de la trilogie originelle, il ne reste dans le fond pas grand-chose.
Repartir de zéro
En 1979, Mad Max, un film fauché sorti de nulle part mais qui deviendra un étendard générationnel, avait divisé la critique. A une époque où l’éphémère mouvement punk rendait son dernier souffle, l’histoire de cet ex-flic patrouillant dans un monde désertique où le pétrole, devenu rare, est le plus précieux des biens, semblait postuler que le chaos est le fait d’une bande d’allumés anarchistes.
Autrement dit d’une bande de punks, mais qu’allait heureusement mater, dans une sanglante épopée vengeresse, Max le juste. Certains avaient vu là une apologie de la violence, voire un sous-texte fasciste.
C’était donner trop d’importance à un récit qui, tout en empruntant à différentes mythologies et sous-cultures, celle des samouraïs japonais comme des cow-boys américains ou de l’underground gay, ne faisait que dépeindre un monde sans foi ni loi où seuls quelques mercenaires un peu tête brûlée avaient encore un goût pour la justice.
De héros solitaire poussé au combat par l’assassinat de sa femme et sa fille, Max se muera en défenseur des faibles dans le deuxième volet, Le défi, puis en Peter Pan protégeant des enfants perdus dans un troisième titre, Au-delà du dôme du tonnerre, contrastant avec l’austérité des premiers épisodes.
Le Mad Max: Fury Road qui arrive sur les écrans du monde en même temps qu’il fait l’événement, hors compétition à Cannes, n’est pas à proprement parler une suite. Même si on peut comprendre les visions cauchemardesques du héros, liées à la peur de ne pas arriver à sauver ses proches, à l’aune de ce que l’on sait de lui, il a été conçu comme un reboot, c’est-à-dire un film remettant les compteurs à zéro.
Tom Hardy y remplace Mel Gibson. Robuste et taiseux, combattant surhumain d’une implacable froideur, le Max Rockatansky qu’il incarne avec sérieux n’a plus qu’un seul instinct: la survie. Le voilà dès le début poursuivi puis capturé par une horde de guerriers au look de morts-vivants dirigés par le démoniaque Immortan Joe, derrière le masque duquel se cache Hugh Keays-Byrne, le méchant du Mad Max de 1979.
Max va forcément s’échapper, puis aider malgré lui Furiosa (stupéfiante Charlize Theron), sauvage conductrice d’un camion-citerne bien décidée à extraire des griffes de Joe les belles jeunes filles qu’il utilise comme mères porteuses.
Références bibliques
Fury Road est visuellement ébouriffant. Des effets spéciaux – et en majorité non numériques – au design des véhicules et costumes, tout y est impressionnant. Miller se réapproprie et réinvente à merveille un univers qui a eu une influence énorme sur la culture populaire des années 80.
Comme pour souligner que Mad Max a même inspiré des rockeurs, il s’amuse carrément à pendre un guitariste de heavy metal devant le camion de Joe. Idée amusante mais à l’image du film: lassante et épuisante.
Car ce reboot n’est finalement constitué que d’une seule et même course-poursuite, sans temps morts, comme si le spectateur du XXIe siècle ne pouvait apprécier un film nuancé et osant les ralentissements, comme l’était le premier opus.
Et il y a aussi ces lourdes références bibliques, Max en Moïse adepte de l’aller et retour plutôt que de l’exode, Joe en antéchrist, et Furiosa en Yaël, qui finissent de nous achever. Tout en étant autrement plus maîtrisé que le cinéma d’action dominant, voire ces films de superhéros souvent d’une grande laideur, le film n’apporte rien à une trilogie qui se suffisait à elle-même.