Rock’n’roll. Londres accueille la première grande exhibition européenne consacrée au King. L’occasion de découvrir de nombreux objets en provenance directe de Graceland.
Ce 14 janvier 1973, c’est sous les auspices d’Ainsi parlait Zarathoustra que s’ouvre le concert. Cinq ans plus tôt, la mise en musique par Richard Strauss de ce récit philosophique de Nietzsche avait accompagné une scène culte de 2001, l’odyssée de l’espace.
C’est évidemment ce space opera fondateur signé Kubrick, plutôt que le nihilisme de Nietzsche, que le King souhaite évoquer pour son entrée en scène.
Un peu plus de quatre ans avant sa mort, Elvis Presley se produit ce soir-là au Honolulu International Center, sur l’île de Hawaii. Sa voix est à son image: empâtée. Le dieu vivant du rock’n’roll n’a que 38 ans, et il a déjà perdu de sa superbe, usé par trop de concerts, trop de médicaments.
Le public l’acclame, mais ne peut que constater son déclin, même si son aura reste à nulle autre pareille. Pas question cependant d’évoquer cette triste fin de carrière et de vie – le corps rongé par des maladies et la dépendance, bien que tout cela soit encore sujet à caution – lorsqu’il s’agit de célébrer le mythe Elvis.
A l’O2 Arena de Londres, qui accueille la première grande expo consacrée à la star en Europe, parsemée d’objets et documents qui pour certains ne sont jamais sortis de sa demeure de Graceland, à Memphis, tout commence par la naissance d’Elvis Aaron Presley dans le Mississippi pour s’arrêter en 1968.
Des costumes et du champagne
Cette année-là, après avoir enchaîné quelque 25 films, le chanteur signe son grand retour avec un show télévisé, le ’68 Comeback Special, destiné à relancer sa carrière discographique et scénique. Diffusé sur NBC, le spectacle connaît un succès retentissant.
Ce que personne ne sait alors, c’est qu’il s’agit en quelque sorte de sa dernière grande prestation. Moulé dans un costume de cuir noir, Elvis est plus sexy que jamais, mais ça ne va pas durer. A Londres, une salle est entièrement dédiée à ce come-back. On peut y voir ledit costume, comme d’ailleurs une chemise portée dans le film Le rock du bagne (Richard Thorpe, 1957) ou d’autres habits de scène.
Il y a là quelque chose d’ouvertement fétichiste. Elvis n’est plus, mais on peut s’approcher au plus près de sa légende, presque le toucher. Alors que la grande expo David Bowie Is, montée à Londres en 2013 et actuellement présentée à Paris, contextualise souvent les objets présentés, et permet dès lors à un non-initié d’appréhender en une visite l’importance du chanteur anglais, cette virée sur les traces de l’icône rock américaine permet surtout de se rendre compte du culte fervent que lui vouent encore des millions de fans.
On n’apprend finalement pas grand-chose sur lui, même si, entre les lignes, on saisit bien sa ferveur religieuse et son patriotisme. On pénètre en revanche un peu dans son intimité en découvrant nombre d’objets qu’il avait conservés à Graceland, dont certains totalement anecdotiques, telles ces cartes de crédit ou cette bouteille de champagne reçue à l’occasion de son mariage avec Priscilla.
Avant elvis, le néant
John Lennon a dit un jour que les Beatles étaient plus célèbres que Jésus. Il avait probablement raison. Il a aussi dit qu’avant Elvis, il n’y avait rien. Là, aucun doute n’est possible. Sans Elvis, qui a largement contribué à sortir les musiques noires des ghettos tout en se les réappropriant pour inventer quelque chose de nouveau, il n’y aurait eu ni les Beatles ni les Stones. Incarnation d’une possible émancipation à une époque encore ultraconservatrice, il a ouvert la voie.
Que l’on soit fétichiste ou non, impossible dès lors de ne pas frissonner, dans la salle centrale de l’O2 Arena, face à cette table de billard qui a été le témoin d’une rencontre unique avec les Fab Four. Même si ce qui compte, c’est finalement avant tout l’extraordinaire puissance que conserve encore aujourd’hui sa musique.