Céline Brichet
Pour leur premier long métrage, Frédéric Favre et Adrienne Bovet ont choisi de s’essayer au documentaire, livrant deux réalisations réussies aux extrêmes du genre. Le premier a travaillé près de dix ans comme coursier à vélo en parallèle de ses études de cinéma, puis de son activité d’assistant réalisateur.
La seconde a étudié la photographie à Vevey, avant de passer de petit job en petit job, cherchant sa voie professionnelle tout en construisant sa vie personnelle. Leurs films sont des plongées introspectives dans ces tranches marquantes de leur vie, et invitent le spectateur à s’interroger sur la sienne.
Dans Cyclique, Frédéric Favre ouvre les portes de Vélocité, société de coursiers à vélo dont il a suivi les livreurs pendant un an à travers les rues de Lausanne. Plus qu’un reportage sur l’entreprise, son film est une immersion dans un univers montré comme un monde à part, fait de solidarité, de sueur et surtout d’un besoin irrépressible de rouler.
On y plonge en suivant les destins croisés de Caroline et de Raphaël, deux «anciens» qui songent à arrêter, et de Matila, qui effectue ses premières courses.
Engagés corps et âme dans cet environnement captivant, ils sont tous trois tiraillés entre leur passion et la nécessité de lever le pied, que ce soit pour trouver un autre travail ou simplement se reposer.
Le film est puissant de simplicité, avec ses images brutes, entièrement filmées par le réalisateur depuis son vélo. Sans artifice, ce dernier parvient à exprimer la poésie de ce métier, qui semble signifier plus pour ceux qui le pratiquent qu’une simple question de dépassement physique.
Si Frédéric Favre suggère sa passion à travers celle de ses personnages, Adrienne Bovet se livre frontalement dans Loin du bal. Avec trois amies d’adolescence, elle partage ses réflexions alors qu’elle atteint la trentaine.
Face caméra, les quatre jeunes femmes racontent la manière dont elles ont chacune construit leur vie d’adulte entre études, couple, maternité et solitude, et la façon dont elles ont traversé ces différentes situations.
On ne verra presque rien des univers des unes et des autres, qui sont uniquement suggérés par des plans de coupe léchés qui invitent le spectateur à se les imaginer lui-même.
Dans cette attention particulière portée à l’image s’exprime le passé de photographe de la réalisatrice. Ces films sont deux introspections réussies qui, de manière directe ou suggérée, ouvrent la réflexion au-delà des histoires racontées.