Décodage.«Inaccessible», premier tome de la trilogie de l’Américaine Jessica Brody, débarque en français. Bienvenue dans le monde merveilleux du «young adult».
Séraphine, 16 ans, est retrouvée flottant au milieu de l’océan après le naufrage du vol Freedom Airline 121. Autour d’elle, aucun autre survivant. Elle ne se souvient de rien, ni des raisons pour lesquelles elle était dans l’avion, ni de sa famille, ni de sa maison.
Seul ce garçon étranger, Zen, dit la connaître, l’aimer et l’avoir sauvée d’un laboratoire secret. Vrai? Faux? A qui faire confiance? Dans ce futur proche où l’on peut manipuler les souvenirs, comment retrouver sa mémoire et donc son identité?
Inaccessible est le premier tome d’une trilogie signée d’une trentenaire américaine, Jessica Brody, nouvelle coqueluche de la littérature dite young adult. C’est écrit comme on compose une dream team en basket ou en foot, en réunissant tous les ingrédients qui assurent une victoire dans le cœur des lecteurs: suspense, tragédie, mystère, action, sentiment amoureux, jeune fille solitaire et courageuse en perdition, quête existentielle aiguë, scientifiques manipulateurs.
Labyrinthe & co.
Tête bien faite, diplômée en économie, français et japonais du Smith College, employée des studios MGM durant quatre ans avant de tout quitter pour écrire, Jessica Brody a vendu cinq romans en quatre ans, déjà tous traduits dans plus de dix langues.
Inaccessible s’inscrit dans les traces à succès de Labyrinthe, série de James Dashner puis film de Wes Ball, de Nos étoiles contraires de John Green aussi porté à l’écran, ou de la trilogie Jenna Fox de Mary E. Pearson, qui voit une jeune fille se réveiller d’un long coma après un accident de voiture et découvrir que les médecins sont allés au-delà des limites de l’acceptable pour la sauver.
Il est loin, le temps où le lecteur de Madame Bovary ou de L’amant jurait ne jamais aller voir au cinéma l’adaptation de son livre préféré de peur de voir son livre trahi: Jessica Brody, dont la trilogie est en cours d’adaptation par les producteurs du film Vampire Academy, lui-même tiré de la série papier signée Richelle Mead, symbolise un univers 100% transmédia où tous les supports de divertissement culturel sont connectés, à l’image des consommateurs adolescents qui passent du livre au film ou au jeu vidéo, et inversement, avec un naturel déconcertant, déclinant à l’infini l’univers auquel ils s’identifient. Jessica produit d’ailleurs elle-même des trailers pour chacun de ses films dignes des meilleures bandes-annonces de cinéma.
Côté lecteurs, c’est la même flexibilité. Vous souvenez-vous des débats qui accompagnèrent, dans les années 90 et jusqu’à son entrée dans le Larousse en 2010, l’apparition du mot «adulescent»?
D’un côté, des sociologues comme Vincent Cespedes assuraient que ce concept évoquait le «prolongement diffus de la crise d’adolescence»; de l’autre, des Tony Anatrella y voyaient des «adultes qui tentent de s’identifier aux adolescents et non l’inverse».
Les deux sont vrais, et le domaine éditorial estampillé young adult, aussi appelé cross-age, en constante progression depuis une décennie dans les pays anglo-saxons et quelques petites années en France, est le reflet de l’ambiguïté de ce public.
A chacune sa couleur
Si le cœur de cible est une lectrice âgée de 14 à 20 ans, les trentenaires en sont de grandes consommatrices, tout autant que les mères desdites adolescentes. A chacune sa couleur: les plus jeunes se retrouvent dans la fantasy et la bit-lit d’inspiration vampirique, les trentenaires dans la chick lit citadine et piquante, et les plus âgées dans la romance tendance Harlequin modernisée.
C’est devenu une affaire très sérieuse puisque le magazine et site professionnel The Bookseller, équivalent anglais de Livres Hebdo, a lancé cet hiver un premier prix de littérature young adult qui a été remporté par Louise O’Neill pour son premier roman, une dystopie féministe intitulée Only Ever Yours.
A 30 ans et quelques miettes, Jessica Brody a d’ailleurs tout exploré, du mom porn (The Fidelity Files, Love Under Cover) à la littérature ado (The Karma Club, 52 Reasons to Hate My Father, My Life Undecided) avant de publier la trilogie Inaccessible qui fait le cauchemar des libraires au moment de choisir le rayonnage de vente, puisqu’elle s’adresse à un public situé exactement entre la jeunesse et l’âge adulte. Mais le cœur a ses raisons.