Après des années de loyaux services, la main gauche refuse, en plein concert, de danser sur la touche du violoncelle. Les doigts se révèlent récalcitrants sur le clavier du piano, porteurs d’une vérité que l’interprète refuse de voir…
En quelques portraits d’êtres en déroute, en recherche, en souffrance, Aude Hauser-Mottier décrypte les mécanismes à la fois enfouis et impitoyables qui provoquent les «dystonies de fonction» – ces crampes, paralysies éphémères, absences subites ou épuisements paniqués susceptibles de déchirer la trajectoire d’artistes volontaires et doués.
Des morceaux de leur corps se rebiffent, lancent un insolent pied de nez au cerveau, à la raison. Jusqu’au moment de la révélation, celui où la parole prend enfin le relais des sons, parvient à dire les étapes d’un chemin de vie que la musique s’est autorisé, de par son statut sacralisé, à enfouir profondément et à nier.
La douleur se dévoile devant l’instrument, certes, mais elle naît d’abord du silence, de l’absence de paroles face auxquels la musique ne peut rien.
L’expérience d’observation et d’écoute d’Aude Hauser-Mottier donne lieu, par touches successives, récits et rêves racontés, à une réflexion ouverte sur les liens entre la vraie vie et l’expression artistique. D’autant que l’auteure, pianiste dans l’âme, est devenue d’abord physiothérapeute avant de se découvrir accoucheuse de secrets.
C’est en analysant les mouvements du corps, leurs stratégies et leurs feintes, qu’elle parvient à déclencher le torrent libérateur des mots. La musique n’est pas un remède. Elle est juste l’expression d’un être. Parfois exubérante et applaudie. Parfois intime. L’auteure invoque le mythe d’Icare, cet aspirant à la beauté. Et si la vérité était plus belle encore?