C’est une singulière histoire que celle de Viktor Karsten, «Monsieur K», narrateur et personnage principal du deuxième roman de Marc Michel-Amadry. Un père collectionneur d’art qui se suicide, une mère qui disparaît, et voilà le jeune Viktor qui se retrouve à 15 ans dans les années 60 avec en héritage un tableau de Renoir discrètement planqué dans le coffre d’une banque genevoise.
Mais la part d’ombre est ici à la mesure de l’éblouissement des impressionnistes qu’adorait son père. Viktor sait que ce dernier, fréquentant Hermann Göring et les dirigeants nazis durant la guerre, avait bâti sa collection sur la spoliation d’œuvres volées aux juifs.
Le Renoir en faisait partie. Rattrapé par son propre amour de la peinture, il vendra ce tableau, des années plus tard, mais s’appuiera sur sa fortune nouvelle pour construire une extraordinaire collection d’art du XXe siècle.
Marc Michel-Amadry, qui a dirigé à Genève la maison d’enchères Sotheby’s, excelle à décrire ce collectionneur dont la passion artistique se conjugue avec l’arrogance des compétiteurs sans pitié, prêts à se battre de New York à Singapour pour un Bacon ou un Rothko.
Son récit, fait d’allers-retours avec le destin, tout en sobriété de style, est aussi veiné par l’émotion. La mort rôdant alentour, Viktor entreprend de régler ses comptes avec la vie, par l’amour d’une femme, et avec le passé. Il se lance à la poursuite du Renoir, avec le rêve de le rendre à ses héritiers.
Et même si la rédemption a dans ce roman la naïveté de croire que l’on peut réparer l’histoire et les péchés des hommes, on se laisse faire, entraîné par cette vérité plein cadre: l’art n’est après tout qu’une façon de survivre. Sur le Renoir de Viktor Karsten, au bord de l’eau, une femme éperdue n’a jamais cessé de sourire.