«Héros» est un ovni littéraire suisse scandaleux, dont vous n’auriez jamais entendu parler sans l’obstination de l’ami d’un jeune homme oublié depuis longtemps. Cet ami, c’est l’écrivain et poète Frédéric-Yves Jeannet, frère d’âme et d’exil de Denis Jampen, né dans le Jura en 1956, codirecteur avec Mathieu Lindon dès 1975 de la revue Minuit qui révéla une génération d’auteurs nommés Mathieu Lindon, justement, Hervé Guibert ou Eugène Savitzkaya, voyageur inlassable, auteur d’un seul roman publié de son vivant (La fenêtre aux ombres, 1994), mort d’un cancer du poumon à Bangkok en 2006.
Héros a été commencé en 1975 par un Denis Jampen âgé de 19 ans. Le manuscrit est refusé par les Editions de Minuit. Jampen ne persévère pas mais, sur son lit de mort, fait promettre à Jeannet de le faire publier. Ce sont les jeunes et aventureuses éditions parisiennes MF qui s’y lancent.
Si Héros est un texte d’époque, marqué par l’homosexualité sadomaso assumée crânement et l’influence de Robbe-Grillet, Sollers, Bataille ou Deleuze, si c’est un texte ancré dans la jeunesse de son auteur, fasciné par la lutte entre Eros et Thanatos, c’est aussi une expérience de lecture étrange et inoubliable.
Cette fable brûlante et terrible, qui raconte comment quelques soldats investissent une ville au terme d’un siège et se livrent à une razzia sexuelle, violant et tuant de jeunes hommes dans un cinéma, récit profondément sombre et amoral, doit se lire comme on lit Sade: avec les lunettes de la psychanalyse, du fantasme et de l’onirisme.
Il tente peut-être de dire que l’amour est une guerre sans pitié. Et rappelle que la Suisse a pu contribuer, à sa manière, à l’histoire de la littérature érotique moderne.
«Héros». De Denis Jampen. Ed. MF, 120 p.