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Exposition: Max Gubler, oublié à tort

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Jeudi, 26 Mars, 2015 - 05:56

Dans les années 40 et 50, le peintre zurichois Max Gubler (1898-1973) était au firmament de l’art suisse. Le «nouveau Van Gogh», le «Munch suisse», «LE peintre suisse du XXe siècle», telles étaient les exclamations qui ponctuaient sa carrière figurative, empreinte d’un inquiétant réalisme expressif. Les collectionneurs s’arrachaient ses toiles aux teintes fauves, la Confédération lui demandait de représenter le pays à la Biennale de Venise (en 1952, avec 22 œuvres). Puis, en 1957, Max Gubler est tombé malade. Problèmes cardiaques, dépression carabinée, hôpital psychiatrique. La critique s’est retournée. Elle parle alors d’un «culte mortel du génie» qui n’avait plus lieu d’être. La folie terminale avait jeté une ombre sur l’ensemble d’une œuvre amorcée en 1918. Max Gubler a été oublié.
Il a fallu l’important don par une famille de collectionneurs de peintures de Max Gubler au Musée des beaux-arts de Berne, la réapparition de ses dernières compositions «aliénées» après des années de séquestre par sa propre famille, une exposition à Schaffhouse, ainsi que sa réévaluation par les nouveaux fauves suisses des années 90 (Martin Disler ou Miriam Cahn) pour que l’art de Gubler revienne à la lumière.
Le Musée des beaux-arts de Berne peut ainsi présenter la première vraie rétrospective du peintre alémanique, en une centaine d’œuvres issues de ses différentes périodes de création. Né dans une famille d’artistes, avec deux frères également peintres, Max Gubler s’est élancé dans la peinture en mêlant expressionnisme et nouvelle objectivité, retenant l’âpre dureté de ce dernier courant figuratif. Fasciné à ses débuts par Cézanne, Gubler comprenait son art comme une exploration visuelle du monde, élaborant un style qui rendait compte d’une incertitude face à la réalité des choses. Ce doute est allé s’amplifiant, jusqu’à dissoudre la figure humaine et à se fondre dans l’abstraction. Il travaillait en séries, de manière compulsive, peignant par exemple sa femme, Maria, à 216 reprises, d’abord vue comme une gracieuse jeune femme, puis comme une froide figure dominatrice.
Cette peinture cruelle, traversée par l’angoisse existentielle, est rendue par des traits coupants et des couleurs vives, presque kitsch, qui ajoutent au trouble du spectateur. Max Gubler n’était ni le génie vanté après-guerre ni le pauvre fou discrédité plus tard. Il est quelque part entre ces deux pôles, seul dans sa position radicale, enfin tiré de la honte et de l’opprobre.

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