Conte initiatique.Sur une musique composée sur mesure, les élèves d’une filière «danse-études» lausannoise recréent l’univers onirique où se côtoient enfants perdus, Indiens, fée Clochette, capitaine Crochet et un célèbre petit garçon qui refusait de grandir.
Pas question d’improviser ou de faire fluctuer les tempos. Entre cordes, vents, accordéon, claviers et foisonnante percussion, les musiciens du Step in Time Orchestra, multi-instrumentistes pour la plupart, se plient volontiers à la rigueur quasi métronomique indispensable aux jeunes danseurs qui, devant eux, synchronisent leurs pas et attitudes pour ce spectacle de l’Association pour la formation de jeunes danseurs.
Dans la salle de répétition, aula d’un collège lausannois, la danse se pratique en sport d’équipe sous l’œil attentif des divers chorégraphes qui se partagent les tableaux du conte initiatique écrit, il y a plus de cent ans, par l’Ecossais James M. Barrie. Vue de l’intérieur – celui des mouvements des danseurs et des rappels précis de leurs professeurs – la musique est d’abord un support de temps forts et de points de repère. Ecoutée de l’extérieur, elle s’apparente à une musique de théâtre colorée.
Les deux compositeurs s’en amusent. Jean-Samuel Racine et Renaud Delay se disent en effet tous deux «fans de comédies musicales» et de musiques au pluriel. L’un, clarinettiste classique, officie également sur la scène jazz et rock ainsi qu’au sein de l’ensemble Boulouris 5 pour lequel il compose, de même que pour des compagnies théâtrales. L’autre, tout aussi éclectique, vient du piano classique, a étudié la théorie musicale puis s’est spécialisé en jazz et en acteur de productions scéniques dans l’esprit de Broadway: Moulin Rouge, Cabaret…
Arrangeur, il couche sur papier dans ses moindres détails Atom Heart Mother, enregistrement mythique de Pink Floyd, ou propose des versions de chansons de Freddie Mercury pour voix, piano et quatuor à cordes.
Ballet au service du récit
Autant dire que les complices de la partition de Peter Pan pratiquent de nombreuses disciplines… y compris la prise en compte préalable des consignes liées à la production d’un spectacle: «Les demandes de Pierre Wyss, metteur en scène, étaient claires: il voulait un ballet au service du récit, résument-ils. Et il nous a soumis un script précis avec un découpage des scènes permettant de raconter et suivre l’action.» Une autre exigence, venant des chorégraphes, concernait des aspects plus formels. Peter Pan, spectacle de danse, se devait d’intégrer des danses traditionnelles – csárdás, tango… – que les compositeurs ont donc jointes à leur palette.
A partir de ces éléments imposés, Jean-Samuel Racine et Renaud Delay ont fait sonner leur imaginaire. Ils ont décidé de l’orchestration «en fonction des caractéristiques des personnages» en les dotant, dans l’esprit du leitmotiv, de thèmes spécifiques. Ils se sont ensuite réparti les scènes et ont conçu «une heure et demie de musique qui doit être jouée en direct et sans chef»! Les maquettes, soumises aux chorégraphes il y a plusieurs mois déjà, ont subi des modifications. Rajout de mesures (chorégraphies obligent), adaptation de tempos… Cette façon d’inventer une partition à la fois à leur image et utilitaire s’est transformée au fil du temps en passionnant et ludique défi: «Pour garantir une unité au spectacle, chacun de nous était autorisé à piquer dans la musique de l’autre et à l’intégrer dans la sienne, d’une façon plus ou moins déguisée et surprenante», sourit Renaud Delay. Leur pas de deux musical bat les rythmes d’une aventure collective qui se passe des mots et se danse.
Lausanne, Théâtre de Beaulieu. Je 26, ve 27, 20 h. Sa 28, 17 h. Rens. 079 814 83 35 ou www.afjd.ch Réservations: www.monbillet.ch