Exposition. L’Egyptienne Doaa Eladl et le Palestinien de Syrie Hani Abbas ont été l’an dernier les lauréats du prix de la fondation suisse Cartooning for Peace. Celle-ci récompense des dessinateurs de presse qui s’engagent en faveur des droits de l’homme, de la tolérance et de la paix.
Et qui, il faut le souligner, promeuvent une meilleure compréhension du dessin de presse entre des populations de différentes croyances et cultures. Comme le dit Plantu, l’un des membres de la fondation: «Si l’art dépasse tous les interdits, il faut être respectueux dans l’irrespect.»
Les interdits, les deux artistes arabes les connaissent. Doaa Eladl, qui travaille pour le journal indépendant Al-Masry Al-Youm, a été plusieurs fois menacée, en Egypte, pour ses dessins qui dénoncent le fondamentalisme et le sexisme.
Hani Abbas, qui collabore aujourd’hui à L’Hebdo, a été contraint de fuir la Syrie pour éviter d’y perdre la vie, comme tant de ses collègues journalistes sur place. Leur exposition commune à la Maison du dessin de presse, à Morges, est à cet égard éclairante. Tous deux sont de formidables dessinateurs, au trait abouti et soigné. Doaa Eladl évoque parfois Ronald Searle, Hani Abbas affirme un style au crayonné et au coup de gomme apparents, ce qui lui donne un grand dynamisme.
Mais ces satires, qui restent «respectueuses dans l’irrespect», sont trop emplies de tragique pour qu’elles soient drôles à la manière d’un gag enlevé de Mix & Remix. On sourit devant ces dénonciations habiles de l’horreur, ces traits d’esprit qui tournent le fanatisme en dérision, ce sens dans le non-sens de la violence aveugle, mais on ne rigole jamais.
Le désespoir suinte de ces mines de graphite, seulement tempéré par de subtiles doses d’humour, cette petite arme qui ne peut rien – démonstration en est faite une fois par mois désormais en Europe – contre les balles des fusils-mitrailleurs. Le registre artistique de Doaa Eladl et de Hani Abbas est celui de la résistance active, courageuse, qui entend dessiller les regards plutôt que de les plisser par des éclats de rire.