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L’affaire Clearstream pour les nuls

Jeudi, 5 Février, 2015 - 05:59

Regards croisés. Dans «L’enquête», Vincent Garenq retrace la croisade menée par le journaliste français Denis Robert dans une affaire où se mêlent scandale politico-financier et manipulation.

Stéphane Gobbo, journaliste culturel

Le film commence de la plus classique des manières. On assiste à une perquisition au domicile du journaliste Denis Robert, qui, pris de vertiges, va finir par s’écrouler dans son jardin. Coupe, flash-back. L’enquête, soit l’affaire Clearstream, du nom d’une chambre de compensation au fonctionnement opaque, la voici racontée sur le mode «Denis Robert contre les puissants».

D’emblée, le Français est présenté comme un homme intègre qui n’hésite pas à claquer la porte de Libération à cause d’un édito refusé par un rédacteur en chef précautionneux. Lorsqu’un juge lui parle alors de la corruption qui gangrène de grandes institutions financières, il n’hésite pas et fonce tête baissée. On craint alors que le film ne le montre en héroïque chevalier blanc, mais ce ne sera pas le cas. Il a heureusement des failles qui en font un intéressant personnage de cinéma.

De l’équilibre entre l’intime et la haute finance
Deux options s’offraient à Vincent Garenq: signer un haletant thriller politique dans la veine du classique A cause d’un assassinat (Alan J. Pakula, 1974), ou simplifier au maximum la complexité de l’affaire et privilégier ses implications humaines afin de ne pas perdre le spectateur en route. Surprise, le réalisateur a choisi une voie médiane que l’on pensait difficile à tenir.

Son film s’aventure à la fois sur le terrain de l’intime et sur celui de la politique et de la haute finance. On a alors le sentiment de comprendre tant Denis Robert l’homme que Denis Robert le journaliste d’investigation, interprété par un Gilles Lellouche autrement plus convaincant que quand il joue les durs au cœur tendre. Le fonctionnement de Clearstream, sorte de banque des banques, finit par devenir compréhensible sans que Garenq ait besoin d’appuyer artificiellement sa démonstration. Et cela, ce n’était pas gagné. ■


Yves Genier, journaliste économique

De froids banquiers, des industriels en guerre, des dirigeants de services secrets impénétrables, un financier énigmatique, des informateurs tiraillés entre l’envie de parler et la peur d’être identifiés, et, au milieu de cette mer de requins, un journaliste isolé, émotif, mais honnête et opiniâtre. Autant de personnages dont les destins s’entrechoquent dans une affaire qu’ils pensent contrôler mais qui s’avérera être un scandale politico-financier français majeur de ce début de siècle. D’une affaire de corruption de hauts dirigeants taïwanais dans le but d’obtenir un gros contrat d’armement, elle s’était conclue par une tentative de déstabilisation de Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence.

Vincent Garenq restitue le fil des révélations et des manipulations en montrant des personnages réalistes et sans excès. Il ne porte pas de jugement facile, et c’est là toute la force de ce film. Là où d’autres se sentent forcés à moraliser leur propos dans le genre «mon ennemi, c’est le monde de la finance », tout en n’alignant que des idées toutes faites, le réalisateur opère un plongeon dans le concret. Les personnages apparaissent dans leur brutalité, leur crudité, leur naïveté et leur faiblesse grâce à un scénario soutenu, haletant, où tout est dit mais dont pas un mot superflu ne s’échappe.

Les faits parlent d’eux-mêmes
Il en ressort la face sombre d’un univers impitoyable à la charnière entre la finance, les services secrets, la politique et les médias. Personne n’est à son avantage, mais personne ne fait l’objet d’une attaque en règle, définitive. La conclusion en filigrane du film pourrait être: nous savons que les scandales existent, c’est inacceptable au plan de la morale publique, mais pour les combattre, la mise en lumière des faits est plus efficace que la crucifixion publique. Car les faits parlent d’eux-mêmes. ■

«L’enquête». De  Vincent Garenq. Avec Gilles Lellouche et Charles Berling. France/Belgique/Luxembourg, 1 h 46. Sortie le 11 février.

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