Un berger allemand observe des poussins.«Il les adore», dit son maître. Le chien semble fasciné, il les aime peut-être vraiment mais, dans le même temps, on sait qu’il n’en ferait qu’une bouchée s’il décidait de montrer les crocs. Juste avant, son propriétaire parlait des clandestins qui tentent quotidiennement de franchir la frontière qui sépare le Mexique des Etats-Unis. «Ils savent qu’on est gentils, qu’on ne va pas leur faire de mal.» Vraiment? La métaphore est forte et résume à elle seule la force de Broken Land, un documentaire réalisé par la Genevoise Stéphanie Barbey et le Lausannois Luc Peter. Ces Américains qui patrouillent afin de prévenir les Etats-Unis d’une immigration illégale sont comme le berger allemand: prêts à mordre.
Une imposante barrière a été érigée afin de dissuader les migrants. Que pensent ceux qui vivent à ses côtés? On découvre que certains ont peur, même si seuls les narcotrafiquants semblent dangereux, dit ce couple qui a installé seize caméras de surveillance autour de sa maison et vit dans une paranoïa sécuritaire exacerbée. Un autre couple est, lui, dans l’empathie, et laisse des médicaments et de l’eau aux abords des chemins empruntés par ces hommes et ces femmes qui quittent leur pays en rêvant d’un avenir meilleur.
En fin de film, on découvre que, à la morgue, les cadavres s’accumulent. Au médecin légiste de tenter, parfois à partir d’os uniquement, d’identifier les corps de ceux qui ne le connaîtront jamais, leur avenir… Barbey et Peter signent, avec Broken Land, un documentaire admirable dans sa manière d’embrasser une problématique complexe en faisant de vrais choix de cinéastes, notamment dans leur manière d’enchaîner les intervenants pour construire une dramaturgie qui captive dès les premières secondes.
«Broken Land». De Stéphanie Barbey et Luc Peter. Suisse, 1 h 25.
