S’il ne fallait lire qu’un seul des livres de Jean Ziegler, ce serait celui-ci: ce Retournez les fusils! (une citation de Lénine), nouvelle édition revue et remaniée, qui vient de paraître au Seuil, d’un texte paru en 1980. Le sociologue marxiste, qui fut si longtemps la mauvaise conscience de ces Suisses sur qui ne pesait aucun soupçon, réussit un livre passionnant, additionnant ce qu’il était (un «manuel de sociologie d’opposition») et ce qu’il souhaiterait devenir (une «biographie intellectuelle»). Ziegler ne regrette rien et justifie à peu près tout, de ses errements auprès de libérateurs peu recommandables jusqu’à de nombreux constats d’échec, mais il se dégage de ce livre une sincérité peu commune, une envie de se bagarrer, encore, qui force le respect.
Il a 80 ans, Ziegler. Il fut député, professeur d’académie, fonctionnaire onusien: un notable. Mais il persiste à voir dans sa trajectoire une manière d’entrisme subversif, ou de ver dans la pomme d’or, ce qu’il appelle «fabriquer des contenus d’insurrection». Que ce soit au moment d’un débat ou lors d’une inédite «dispute» lors de laquelle il croisera sur scène le fer avec l’avocat Marc Bonnant et l’essayiste Régis Debray, Ziegler persiste à agacer sans relâche. Alors oui: séducteur, cabotin parfois, marxiste à l’ancienne, empêcheur de s’autosatisfaire en rond, il a joué tous les rôles de l’agitateur d’idées de gauche. Il veut croire que tout cela n’était pas vain, et que se lève une nouvelle «société civile planétaire». Pour ce courage à penser des lendemains moins cyniques, écoutons-le.
Rencontre L’Hebdo/Payot avec Jean Ziegler. Lundi 1er novembre à 20 h, Théâtre Vidy-Lausanne.
Réservation: communication@payot.ch