Récit. L’écrivain camerounais de Genève, auteur de «La trinité Bantoue», était l’un des dix invités d’honneur du Salon du livre de Montréal ce week-end. Pour «L’Hebdo», il raconte ce qu’il dirait à sa mère de sa conquête du Québec.
Ça y est! C’est fini maintenant. Loin du bourdonnement impressionnant de cet immense hall d’exposition de la place Bonaventure. Loin de cette foule d’auteurs, de lecteurs, mais aussi de vadrouilleurs. Mon extraordinaire aventure du Salon du livre de Montréal en tant qu’invité d’honneur arrive à sa fin. Un séjour si court, mais ô combien intense! Un vrai marathon médiatique avec une attachée de presse tout sourire et à vos trousses pour vous rappeler que vous avez une autre interview – oups! ils disent entrevue – dans quelques instants. Un séjour si riche en rencontres, avec des personnalités politiques et culturelles de la province. Je me souviens de la très souriante ministre de la Culture québécoise avec laquelle j’ai pu échanger quelques mots et qui me parlait de son intérêt pour la ville de Genève où elle a séjourné quelques fois. Complètement distrait par notre conversation, j’ai oublié de lui proposer de faire un ego-portrait avec moi. Je ne m’en suis même pas souvenu lorsqu’elle m’a dit: «A tantôt!»
Dans l’avion qui me ramène de l’autre côté de l’Atlantique, la personne qui me vient à l’esprit est ma mère. Que de choses à lui raconter! Si seulement elle avait vu l’accueil qui m’a été réservé dans ce pays. Les honneurs. Beaucoup de lumières de projecteurs. Et paradoxalement une forte impression d’être tout à coup propulsé sur le devant de la scène, catapulté au milieu de ces dinosaures de la profession: Michel Tremblay, Katherine Pancol, Denise Desautels ou encore le grand Dany Laferrière. Ah oui, je sais. Quand je raconterai à ma mère que je l’ai rencontré, lui, Dany Laferrière, qu’elle a beaucoup lu et aimé, je suis sûr qu’elle me dira: «Serre-moi très fort dans tes bras que je puisse moi aussi avoir un tout petit peu du parfum de Dany.»
Si seulement ma mère avait pu assister à mes séances de dédicaces. La queue n’est pas infinie. Mais ceux et celles qui sont là sont de vrais admirateurs. Je prends mon temps. On discute, on rigole, on éclate de rire. La dédicace est personnalisée et je me rends compte qu’ils affectionnent particulièrement ces petites minutes passées ensemble. Par exemple, ce jeune lecteur qui me dit dans un accent québécois très prononcé: «J’ai lu un article sur vous ce matin dans la presse. J’ai beaucoup aimé.» Puis d’ajouter, avec peut-être un sentiment de culpabilité: «C’est dommage, car de l’Afrique, je ne connais que Tintin au Congo.» Je lui écris alors comme dédicace: «Ceci n’est pas un Tintin au Congo, mais bien une Trinité bantoue.» Il n’en finit plus de rire.
Comment oublier de mentionner toutes ces rencontres passionnantes avec des animateurs vedettes d’ICI Radio Canada, Marie-Louise Arsenault et son éclat de rire contagieux, Claudia Larochelle et la délicatesse de sa gestuelle, le très abordable Léo Kalinda, mais surtout la rock star Michel Désautels. Il dit la grand-messe de l’information le dimanche matin. Pas de répétition. Une fois la francophonie, puis les sujets de société ou encore l’identité culturelle, la politique suisse et internationale, la ville de Genève.
Je parlerai enfin à ma mère de cette femme, d’un certain âge et pourtant d’une beauté saisissante que j’ai rencontrée dans les couloirs de l’hôtel Hilton Bonaventure. Par son uniforme, je comprends qu’elle est femme de chambre. Salutations discrètes. Puis elle me dit: «Que le Saint-Esprit vous accompagne, Monsieur.» Je suis très touché aussi bien par la sincérité de son propos que par le velours de sa voix. Mais je ne peux m’empêcher de rigoler intérieurement, en m’éloignant, à l’évocation du Saint-Esprit. Décidément, l’ombre de ma mère et son ton religieux ne me quittent pas.